L'Algérie est un leader en matière d'intégration de la femme dans les différents métiers de la Police. Le recrutement de femmes dans les différents métiers de la Police a été renforcé à partir de 1998. La réaction de la société vis-à-vis de cette initiative était difficile à prévoir. Dans le plan d'action de la direction générale de la Sûreté nationale figurait l'hypothèse du rejet. Aujourd'hui, ces craintes n'ont pas lieu d'être. Les femmes policières faisant partie du paysage sécuritaire, les responsables du secteur ne sont pas près de s'en séparer. La situation, d'ailleurs, n'a pas l'air de contrarier quiconque. Les débuts... Une silhouette féminine vêtue de bleu, un képi et des mains gantées s'agitant dans divers sens, cela vous suggère-t-il quelque chose? Bien sûr que si! L'image d'une femme policière au beau milieu d'un carrefour autorisant une file de voitures et stoppant une autre est devenue bien familière. La circulation d'ailleurs n'est pas le seul métier où la policière participe activement. Cela n'était pas le cas avant 1998. C'est à partir de là que les autorités algériennes ont pris la décision de renforcer le recrutement des femmes et leur introduction dans les différents métiers de la Police. Voir des femmes en uniforme dans la rue était un phénomène nouveau à l'époque. Aujourd'hui, le corps des policiers atteint quelque 5 000 femmes en exercice sans compter les policières en civil, soit 4,6% du nombre global de l'effectif policier. Bien entendu, le chiffre est appelé à croître, puisque, chaque année, de nouvelles recrues rejoignent la grande famille en bleu. Un cota annuel de 1 200 postes sur le plan national est réservé aux femmes, dont 1000 agents d'ordre public (AOP), 150 inspectrices et 50 femmes officiers. Ce pourcentage fait de l'Algérie un leader dans le monde arabe. Le pourcentage dans la majorité des pays de cette région est nettement inférieur à celui enregistré dans le nôtre. Quant aux pays occidentaux, ce taux ne dépasse pas les 20%. En France, à titre d'exemple, le pourcentage est estimé à 10%. Réactions et appréciations Qui de nous ne se souvient des premiers mois de l'exercice des femmes policières? Le nouveau «phénomène» a suscité différentes réactions parmi les citoyens. L'opinion était partagée entre approbation et rejet. C'est dans le rang masculin que la résolution a suscité le plus de controverse. Pour tâter le pouls, on a posé une question concernant les femmes qui exercent au sein de la police à une dizaine d'hommes dans les rues d'Alger. 7 sur 10 ont répondu qu'ils ne voyaient aucune différence entre les hommes et les femmes. L'un d'eux a même avoué sa préférence pour les femmes parce qu'elles sont, selon lui, plus justes. «Elles ne sont pas haggarate» de sa propre expression. «C'est une carrière comme les autres, il est un peu difficile pour une femme de l'assurer surtout si elle a des responsabilités familiales, mais ça ne lui est pas impossible» a avancé un jeune universitaire. Un homme d'âge mûr, d'aspect intellectuel, affirmera: «La femme qui a si bien assuré son rôle dans la guerre de Libération est sûrement capable d'assumer les tâches de policière». En revanche, trois autres ont répondu que la nature physique et psychologique de la femme font qu'elle est incapable d'assumer ce métier. «Elle est inapte, elle est inapte», répétait l'un des trois sans fournir le moindre argument. Selon un homme d'une quarantaine d'années, «les femmes sont un peu trop délicates pour de telles tâches, elle doivent plutôt opter pour des postes d'administration au sein même de la police». Questionnée sur les conditions de l'intégration des femmes, spécialement dans le secteur actif, Mme Nassira Madouri, commissaire principale, et par intérim, directrice de l'enseignement des écoles de police, a assuré que l'opération constituait un véritable défi. La nature conservatrice de la société algérienne présentait un obstacle important. Un échec de l'intégration des femmes dans le secteur actif (les activités externes) était une éventualité que les responsables de l'opération n'écartaient pas. La policière et la société Le machisme est un phénomène qui existe partout dans le monde. Par ailleurs, sa présence est encore plus accentuée et même banalisée dans les sociétés arabo-musulmanes où une certaine mentalité existe chez un nombre de personnes qui considèrent la femme comme un être inférieur par rapport à l'homme. On ne va guère débattre de cet état d'esprit. On tente plutôt de trouver des réponses à la question suivante: ce genre de mentalité peut-il présenter un obstacle pour le travail de la policière, particulièrement si elle dirige une équipe d'hommes? Cela, sur deux volets: le travail de la policière avec le grand public et au sein même d'une équipe masculine. Avec le grand public, la policière est appelée à traiter avec plusieurs catégories de personnes dont les fameux machos. A Bir Mourad Raïs, nous avons rencontré Salima, une jeune policière de 24 ans, elle occupe le poste d'agent d'ordre public depuis près de 3 ans. Après la durée de sa formation, elle a choisi le service de régulation routière. Sur les conditions de son travail avec le grand public, elle nous a assuré que c'est parfois difficile. «On a affaire à tous types de personnes et de caractères» a-t-elle soutenu. Sur les problèmes spécifiques que rencontre une policière, elle nous a confié, qu'effectivement le machisme en est un. «Figurez-vous que j'ai déjà eu affaire à des conducteurs qui refusent de me présenter leurs papiers parce que je suis une femme» s'est-elle écriée. «Parfois, ces gens font appel à mes collègues hommes, en ma présence, refusant de traiter avec moi» a-t-elle ajouté. Quant à la fréquence de ce genre d'attitudes, elle nous a assuré qu'elles sont plus ou moins rares, mais tout de même «aberrantes et inacceptables». «Même si beaucoup ne sont pas convaincus de notre travail, très peu l'expriment» a-t-elle ajouté. Si les femmes, à la capitale même, rencontrent ce genre de problème, on se demande dans quelles conditions elles exercent dans les autres wilayas encore plus «conservatrices». Quant au travail de la femme policière au sein d'équipes masculines, on s'est adressé à quelques responsables de l'Ecole nationale de police pour nous éclairer là-dessus. Mme Medour, commissaire principale, nous a assuré que lors de la formation des futurs policiers et policières, une certaine discipline leur est inculquée. Celle de l'hiérarchie et non le sexe comme repère dans le traitement entre hommes et femmes. «Les nouvelles recrues qui ont des penchants machistes finissent vite par comprendre que c'est la compétence qui prime». Quant à M.Kara Bouhadba, directeur des enseignements et des écoles de police, il a déclaré avec humour que «dans la police, il ne s'agit pas d'une Aïcha qui commande Kaddour, mais plutôt d'une commissaire qui commande un officier par exemple». Ce dernier nous a expliqué que le genre de personnes qu'on a évoqué existe. C'est à leurs débuts qu'ils causent de petits problèmes quand leur responsable est une femme. Bien heureusement, il comprennent vite la nature du régime où il se sont engagés. Aujourd'hui, le nombre de femmes cadres au sein de la police est estimé à 120. Importance du rôle joué par la femme Près de 10 ans après l'initiative de renforcer l'intégration des femmes aux différents métiers de la polices, le rôle qu'elle joue au sein de cette structure s'avère de plus en plus indispensable. «Dans certains secteurs, les femmes se révèlent plus efficaces que les hommes», nous a confié une inspectrice de police. Quand au secteur où l'homme policier ne peut rivaliser avec sa consoeur, c'est la même réponse qui revient chaque fois que la question est posée à l'adresse d'éléments de la police. La brigade des mineurs est le secteur où les résultats réalisés par des femmes policières dépassent de beaucoup ceux des hommes. Les jeunes délinquants se confient plus facilement à une femme. Ce qui est normal, vu la nature patiente et tendre de ces dernières. En outre, la fouille des femmes et les visites à domicile sont les autres secteurs où les femmes sont mieux accueillies que leurs confrères. Le recrutement des femmes et leur substitution aux hommes dans ce genre d'activités entre dans le cadre de la politique de la police de proximité. Cette politique vise à rapprocher la police du citoyen et de faire de ce dernier un allié. Confier ce genre de missions à des femmes met le citoyen algérien, de nature réservée, en confiance. Certes, la nature de la femme favorise son intégration dans des domaines déterminés, cela ne veut nullement dire qu'elle est absente dans d'autres. Brave et courageuse est l'Algérienne qui a percé dans les métiers les plus périlleux de la police. La lutte antiterroriste, la détection d'explosifs, la lutte contre la drogue et l'immigration clandestine,...sont tous des secteurs où elle s'est imposée et a affirmé son efficacité. Aujourd'hui, les craintes d'un rejet de la part de la société ont fondu comme neige au soleil. Le temps a révélé que notre société n'est pas aussi sexiste que beaucoup ne le pensent. «La société algérienne a très bien accepté la femme policière», a assuré Mme Madouri. Ses propos ne révèlent pas d'une opinion personnelle, mais d'études et de sondages effectués par des services spécialisés. La policière persiste et avance d'un pas ferme vers un rôle encore plus déterminant dans le dispositif policier.