C'est sans surprise que le gouvernement libéral minoritaire du Premier ministre canadien Paul Martin est tombé lundi dernier, 17 mois après son arrivée au pouvoir. Une motion de défiance, déposée par le chef du parti conservateur Stephen Harper, a été adoptée par 171 voix contre 133. Elle stipulait simplement que « la Chambre a perdu confiance en ce gouvernement ». Le lendemain, Paul Martin s'est rendu chez la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, pour lui demander de dissoudre le Parlement et déclencher des élections. Celles-ci auront lieu le 23 janvier prochain où plus de 22 millions de Canadiens inscrits devront choisir leurs 308 députés. Les principaux partis fédéraux sont le parti libéral, le parti conservateur, le bloc québécois dirigé par Gilles Duceppe, le nouveau parti démocratique avec à sa tête Jack Layton et le Parti vert. A la dissolution de la Chambre, les libéraux détenaient 133 sièges, les conservateurs 98, les bloquistes 53 et les néo-démocrates 18. Il y avait également quatre députés indépendants et deux sièges vacants. Le Parti vert n'a fait élire aucun député, mais a obtenu 4,3% des votes aux dernières élections fédérales, le 28 juin 2004, selon les rappels de la presse locale. Cette chute du gouvernement de Paul Martin fait suite à la publication en novembre d'un rapport d'une commission d'enquête dirigée par un juge, John Gommery, qui a éclaboussé le parti libéral. Dans ce qui est appelé le scandale des commandites (qui peut être traduit par sponsoring) révélé en 2003, le parti libéral est accusé de s'être financé par le biais d'un programme qui visait à accroître la visibilité du Canada au Québec, lors d'évènements sportifs et culturels. Une « nécessité » après le référendum sur l'indépendance de cette province « séparatiste » en 1995 où le « non » l'avait emporté de justesse avec 50,58 % des voix. Doté d'un budget de 250 millions de dollars canadiens, le programme a permis à un certain nombre d'agences québécoises de publicité appartenant à des amis des libéraux d'encaisser des commissions disproportionnées par rapport au travail effectué - quand il était fait. Une partie de l'argent amassé s'est retrouvé en fin de parcours dans les caisses du parti de Paul Martin sous forme de dons. « Les prochaines élections vont vous donner la possibilité de sanctionner la corruption, le mépris, la culture libérale incarnée par ce parti et ses députés », a affirmé Stephen Harper. De leur côté, les libéraux rappellent, statistiques à l'appui, que le taux de chômage a atteint son point le plus bas depuis décembre 1974, à 6,4% en novembre. L'un des thèmes de leur campagne est la vigueur économique du Canada. Paul Martin affirme, ainsi, qu'il « est plus facile que jamais, pour les Canadiens, d'acheter une maison, de trouver un bon emploi ou de payer leurs comptes » et que « l'économie canadienne fait l'envie de bien des pays ». Les sondages, dont la publication est permise jusqu'à la veille de l'élection, donnent un Parlement presque identique à celui dissous. Selon une enquête EKOS-La Presse-Totonto Star publié samedi, si les électeurs canadiens avait voté le 1er décembre, le parti libéral aurait obtenu 34%, le parti conservateur 27%, le nouveau parti démocratique 18% et le bloc québécois 14%. L'opinion publique, quant à elle, semble plus préoccupée par les préparatifs des fêtes de fin d'année et les dépenses liées à cette élection qui coûtera quelque 277 millions de dollars aux contribuables (soit 9,60 dollars par habitant, aime-t-on à souligner). D'ailleurs, les partis canadiens semblent même aller à une trêve dans la campagne électorale durant la période des fêtes de Noël et de fin d'année qui pourra s'étaler du 22 décembre au 4 janvier. Un journal local s'est même permis de poser à ses lecteurs la question de savoir s'ils allaient voter si le jour du scrutin il y aurait une tempête de neige (63% ont répondu par l'affirmative). Une tendance qui n'a pas été démentie depuis l'élection fédérale de 1896. Le taux de participation le plus élevé (79,4%) a été enregistré en 1958. En 2004, le Canada a enregistré son plus bas taux de participation à 60,9%. Le Premier ministre sortant s'est même lavé les mains d'imposer aux Canadiens une campagne électorale en cette période. Il a jeté la balle dans le camp de l'opposition en rappelant qu'il avait proposé de tenir une élection en mars. Mais l'opposition a voulu autrement en faisant tomber son gouvernement. Cette tendance chez les Canadiens à mettre tout entre parenthèses pendant la sacro-sainte période des fêtes a provoqué l'ire d'un chroniqueur local, pour qui ceci veut dire tout simplement « mon confort avant la démocratie ! »