De notre correspondant à Montréal Youcef Bendada Pourtant, rien ne laissait prévoir une telle éventualité, puisque les Canadiens viennent à peine d'élire leur gouvernement, bien qu'avec un mandat limité, puisque la majorité que tentait d'enlever le Premier ministre canadien, Stephen Harper, lui a échappé. Dès lors, le gouvernement conservateur ne pouvait avoir les mains libres pour décider de l'avenir de l'économie selon son bon vouloir et négocier les grandes décisions ainsi que les dossiers importants avec une opposition qui n'a pas l'intention de lui pardonner le déclenchement d'élections hâtives. Avec raison d'ailleurs. Car, les élections décidées unilatéralement par M. Harper ont soulevé la colère de l'opposition qui ne s'attendait pas à cette volte-face du Premier ministre qui a enfreint une loi de son gouvernement : celle de tenir des élections à date fixe. Cette entorse à la loi, M. Harper l'avait justifiée à l'époque par l'ampleur de la crise annoncée, d'abord financière, ensuite économique, et qui concernera, à coup sûr, le Canada. Les élections avaient pour but de renforcer son gouvernement en lui permettant d'élire plus de députés et de former un gouvernement majoritaire. Mal lui en prit, puisque les électeurs en ont décidé autrement et l'ont reconduit dans pratiquement les mêmes proportions. L'impensable est envisageable C'est ainsi que titrait à la une le quotidien francophone la Presse l'événement qui risque d'ébranler la population canadienne, laquelle ne peut croire à une telle éventualité : repartir en élection au sortir d'un scrutin qui a coûté déjà 300 millions de dollars. En effet, à peine formé, le gouvernement se devait de présenter son programme économique actualisé, compte tenu des effets de la crise qui n'épargnera sûrement pas le pays, ses relations économiques avec le voisin du Sud étant sérieusement imbriquées les unes aux autres. Mais si le gouvernement de M. Harper risque de tomber, ce sera plutôt à cause d'une disposition de ce programme économique et qui a trait aux financements des partis politiques. C'est une situation plutôt cocasse et inédite qui a cours aujourd'hui, car au moment où la plupart des épargnants voient leurs économies fondre comme neige au soleil à cause d'une Bourse folle qui dégringole à vue d'œil entraînant des pertes financières à n'en plus finir, l'assèchement du crédit, la difficulté des entreprises à reconstituer leurs fonds de roulement pour financer leurs activités de production, la baisse vertigineuse des prix du pétrole, que le Canada exporte en masse, voilà que le projet de suppression du financement public des partis pousse l'opposition à se resserrer les coudes et à envisager même l'idée d'une coalition pour renverser le gouvernement de M. Harper. Ainsi, profitant que les caisses de son parti soient pleines, grâce à une politique de collecte intelligente et efficace, il entend asséner un coup fatal à ses rivaux, notamment aux libéraux, endettés jusqu'au cou et embourbés dans une lutte pour le leadership au sein de leur parti. Ainsi, sous le couvert de faire quelques économies (environ 30 millions de dollars), M. Harper risque de plonger le pays dans l'incertitude qui le guette, alors que jusque-là il reste peu touché par la crise du fait d'une réglementation bancaire musclée qui n'accepte que parcimonieusement des participations étrangères, et qui pratiquait, déjà, avant le début de la crise, une politique de crédit très restrictive. Le mécontentement des partis de l'opposition est tel qu'ils voient dans cette attitude un défi à leur existence et entendent défaire le gouvernement s'il soumettait au vote, lundi, cette disposition. La démocratie en danger ! Justifiant cette disposition par la nécessité de réduire les dépenses et d'arriver à équilibrer le budget, M. Harper invoque les économies à faire par la réduction des dépenses publiques en commençant par les ministères fédéraux qui verront les compressions atteindre 2 milliards de dollars. L'autre disposition qui fait rugir les partis d'opposition est celle qui prévoit la suspension du droit de grève du secteur public jusqu'en 2011. Il n'en fallait pas plus pour que les libéraux, les socio-démocrates, les Verts et les souverainistes s'unissent pour défendre la démocratie qu'ils estiment être en danger par de tels agissements. Plus encore, et d'une même voix, ils trouvent le programme économique insuffisant pour stimuler l'économie, puisqu'il ne prévoit aucun plan de relance ni même des investissements à même de permettre la création d'emplois. En cette période d'incertitude et dès lors que la croissance du PIB (produit intérieur brut) restera limitée à 0.6% avec une récession avérée, il va falloir une dose de courage démesurée au gouvernement minoritaire de M. Harper pour continuer dans cette démarche suicidaire en maintenant les propositions que l'opposition juge antidémocratique. Campant sur leur position de refus de voter ce programme, il est fort à craindre que le gouvernement actuel ne survive pas et pousse, la gouverneure générale à accepter la tenue de nouvelles élections, ou alors, et ce n'est pas impossible, qu'elle charge les partis d'opposition de former une coalition gouvernementale. Cette éventualité n'est pas à écarter, sauf qu'au Canada, un tel scénario n'a été possible qu'une seule et unique fois en … 1920. Et encore, sa durée de vie ne se compte qu'en quelques jours ! Y. B. Crise politique au Canada : report du vote de confiance Après avoir été financière et économique, et même démocratique (selon l'opposition !) la crise, au Canada, prend la forme d'une crise politique. Alors que des élections générales se sont déroulées le 14 octobre dernier et ont permis aux conservateurs d'être reportés au pouvoir dans les mêmes proportions qu'auparavant et de siéger donc au Parlement en tant que gouvernement minoritaire, voilà que le programme économique qui devait être voté demain a été reporté d'une dizaine de jours. Ce report décidé par le Premier Ministre M. Stephen Harper est destiné à désamorcer la crise déclenchée par son propre ministre des Finances qui prévoyait la suppression des subventions aux partis politiques. Ce n'est pas que cela qui irrite les partis d'opposition. En fait, c'est l'absence de stratégie et l'inexistence d'un plan de relance qui sont dénoncées par l'opposition, laquelle envisage sérieusement de faire tomber le gouvernement conservateur. Dans cet esprit, néo-démocrates et libéraux ont déjà entamé des pourparlers pour envisager le scénario, qui n'est pas impossible, de former une coalition qui gouvernera le Canada pendant une période de transition avant des élections en 2009. Cette éventualité est de plus en plus probable au regard de l'entrée en scène de deux anciennes grosses pointures politiques admirées et crédibles aux yeux des Canadiens : l'ancien Premier ministre libéral, Jean Chrétien, et l'ancien chef de parti néo-démocrate Ed Broadbent.