A peine déchus, les dictateurs voient leurs avoirs et leurs biens gelés. L'asservissement des populations de ces pays pendant des années, voire des décennies, s'est souvent accompagné de spoliation des richesses par ces despotes. Mais une fois chassés du pouvoir, ces tyrans sont souvent privés de ces fortunes confirmant le proverbe qui dit : «Bien mal acquis ne profite jamais.» Le désormais ancien président de la Tunisie, Zine El Abidine Ben Ali, l'a vérifié à ses dépens. Réfugié en Arabie Saoudite, il a dû recevoir un coup de massue en apprenant la nouvelle du gel de ses avoirs et ceux de ses proches, dont son épouse, Leïla Trabelsi, par l'Union européenne. L'UE avait, en effet, annoncé le 31 janvier dernier le lancement de cette opération. La décision concerne non seulement le dictateur déchu et sa femme, mais aussi 46 proches de son clan. Après Ben Ali, c'est au tour du président égyptien, Hosni Moubarak, de subir le même sort. Ses comptes en banque, qu'il s'est employé à remplir en détournant tout au long de son règne l'argent du peuple égyptien, ont été bloqués. L'UE a ainsi rapporté, le 18 mars, qu'elle envisageait le gel des avoirs du pharaon tombé de son piédestal après avoir été renversé par la révolution du peuple longtemps opprimé. Dix-huit proches de Moubarak sont également interdits de shopping dans les magasins de luxe européens après que leurs avoirs eurent été gelés. L'UE n'a fait que répondre favorablement à la décision d'une cour criminelle égyptienne qui s'était prononcée pour le gel des avoirs de Hosni Moubarak et de sa famille. La liste européenne comporte 19 noms, outre Moubarak, sa femme Suzanne, ses fils Alaa et Gamal et leurs épouses, y figurent également des personnages-clés de l'ancien régime, tels qu'un ancien ministre de l'Intérieur ou un responsable du parti, a précisé ce diplomate. Les détails sur ces avoirs n'ont pas été divulgués, mais la presse égyptienne a fait état de comptes secrets de l'ancien homme fort de l'Egypte dans les banques du pays, y compris des dépôts de l'ordre de centaines de millions de dollars au nom de son épouse, de ses fils Alaa et Gamal et de leurs épouses Heidi Rasekh et Khadiga Al Gammal. Le colonel Mouammar El Gueddafi, qui s'était autoproclamé guide de la révolution libyenne, a rejoint le club des dictateurs déchus dépossédés des avoirs qu'ils avaient thésaurisés en s'appropriant l'argent de leurs peuples. Les autorités britanniques avaient ouvert le bal en annonçant par la voix du Premier Ministre, David Cameron, le gel des actifs libyens au Royaume-Uni d'une valeur de 12 milliards de livres (13,9 milliards d'euros). «Le Royaume-Uni a porté le total des actifs libyens gelés de 2 milliards de livres à 12 milliards de livres», avait déclaré M. Cameron devant le Parlement. Selon les médias britanniques, le colonel El Gueddafi possède des biens au Royaume-Uni valant environ 20 milliards de livres (23,1 milliards d'euros), principalement à Londres. Le deuxième fils du colonel libyen, Seïf Al Islam El Gueddafi, détient, quant à lui, dans la capitale britannique une maison estimée à 10 millions de livres (11,6 millions d'euros). De nombreux analystes restent, néanmoins, sceptiques quant à l'éventualité de la récupération de ces avoirs par les Etats concernés. Certains estiment qu'il s'agit d'un combat de longue haleine (lire entretien de Fabrice Marchisio). Le sort de ces dictateurs devrait servir cependant de leçon aux despotes toujours au pouvoir qui confondent les caisses de l'Etat avec leurs comptes en banque privés.