Les services de sécurité ont apparemment «signé» une trêve «forcée» avec ces vendeurs qui menacent de tout saccager, comme c'était le cas, hier, à Douéra. On a beau répéter à l'envi qu'il faut éradiquer l'activité informelle, celle-ci ne cesse de gagner en longueur, en largeur et en volume nos mégapoles transformées en un véritable bazar à ciel ouvert. Pourtant, la puissance publique avait pris le taureau par les cornes pour décider de manière ferme, et une fois pour toutes, de mettre un terme à cette chienlit qui défigure le paysage urbain, présente un danger pour la santé, gruge le Trésor public, non sans porter un coup au négoce loyal. Pour ce faire, les autorités publiques tentent de donner au trabendisme une assise juridique en l'intégrant dans le circuit formel. On semble dès lors privilégier cette alternative, celle de s'abstenir de livrer bataille au négoce illicite et engager «l'option qui se résume dans la stratégie du moyen et long termes», laissait entendre dernièrement le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M. Daho Ould Kablia. Un recul qui nous renseigne si besoin est sur le prix de la paix sociale. Autrement dit, la nécessité de ne pas donner matière à un embrasement social – qui agite certains pays arabes. Jouer la carte de l'apaisement de la tension de la rue et se garder de traquer les squatters de l'espace public est le choix le mieux indiqué. Car, bien que des marchés couverts de proximité soient créés (environ 160 répartis dans la wilaya d'Alger), les voies publiques (chaussées, trottoirs, placettes, etc.) ne sont pas pour autant libérées. Même certains propriétaires de magasins se mettent à l'heure, celle d'envahir les trottoirs pour dissuader les petits revendeurs d'installer leur éventaire devant leurs boutiques. Ainsi, l'anarchie continue de plus belle et le décor urbain se drape dans une hideur. La pagaille règne en maître absolu et le commerce du trabendo n'est pas près à être démantelé dans un pays rongé par le chômage. Devant l'absence de la société civile (au fait, existe-t-il une association des consommateurs ?), la puissance publique donne cette impression de ménager le chou et la chèvre. En clair, faire dans le simplisme la politique du «rebelote» : lancer des opérations coups de poing de temps à autre dans certaines cités, avant de baisser les bras et céder le terrain aux petits nababs du squat des rues. Relâchement des autorités Il a suffi de quelques émeutes au début de cette année pour mettre à néant tous les efforts de la police et autres corps de sécurité dans leur lutte contre le marché informel. En 2010, plusieurs marchés informels de la capitale ont été éradiqués. Le marché de Bachedjarrah, que l'on croyait à jamais ancré, a disparu sous le forcing des autorités locales et la pression des habitants qui ont fini par avoir gain de cause, mais pour quelques semaines seulement, puisque le marché a vu ses occupants refaire surface après les émeutes qui ont ébranlé la commune au début de janvier dernier. Les services de la police ont réussi également à déloger les vendeurs squattant l'espace public dans plusieurs autres communes et qui ont refusé de rejoindre les étals mis à leur disposition par les APC. Mais le soulagement des riverains n'a été que de courte durée, puisque juste après les émeutes «de l'huile et du sucre» au début de l'année, les jeunes vendeurs ont réinvesti, triomphants, les artères principales des communes, les transformant en un grand bazar où tout se vend et s'achète. Cette situation s'illustre aussi par le sort réservé aux ruelles de La Casbah. La rue du Lézard, passage adjacent à la rue Bouzrina (ex-rue de La Lyre), est de nouveau occupée par les vendeurs informels après avoir été délogés par la police pour une courte durée. C'est le constat fait également à Réghaïa et dans plusieurs autres communes de la capitale. L'informel combattu par les services de sécurité en 2010 a regagné du terrain au début de 2011. Les services de sécurité ont apparemment «signé» une trêve «forcée» avec ces vendeurs qui menacent de tout saccager si on touche à leurs étals. La police, qui «agit uniquement suite aux sollicitations des autorités publiques», comme l'expliquent les responsables de la police judiciaire, sont réduits à dégager la voie publique, puisque les APC sont contraintes de fermer les yeux pour éviter de gérer les conséquences d'éventuelles manifestations de colère. Le gouvernement, qui a annulé toutes les procédures et textes régissant les transactions commerciales, a réhabilité ces marchands qui écoulent en grande partie des produits importés (60% des produits circulant dans l'informel sont importés), selon l'Ugcaa).