L'affaire des moines de Tibhirine n'en finit pas de rebondir. Selon l'ancien chef de poste des services secrets français (DGSE) à Alger, Pierre Le Doaré, entendu par le juge antiterroriste, Marc Trévidic, le 15 mars, le gouvernement français aurait «caché plusieurs rapports classifiés dans l'affaire des moines de Tibhirine». D'après le journal électronique Médiatpart qui dit avoir pris connaissance du PV de l'interrogation de l'ancien chef de poste de la DGSE, «les autorités françaises n'avaient communiqué au magistrat que les notes de synthèse de la Direction générale des services extérieurs (DGSE), rédigées depuis Paris, alors que l'antenne d'Alger de la DGSE, que Pierre Le Doaré a dirigée de 1994 à 1996, avait produit plusieurs rapports ‘‘à chaud'' sur l'affaire des moines de Tibhirine». Des notes dont le magistrat n'a pas eu connaissance. A-t-on caché sciemment ces notes ? Le témoignage de l'espion français jette un doute troublant sur les investigations dans une affaire aussi délicate que l'assassinat des moines trappistes de Tibhirine. Par ailleurs, l'ancien chef de poste de la DGSE, actuellement à la retraite, a relaté dans le détail sa rencontre avec le «fameux» émissaire envoyé par le GIA pour remettre une lettre et une cassette à l'ambassade de France à Alger. «J'ai discuté avec lui dans une pièce du consulat avec un gars qui appartenait à la DGSE, mais pas au poste. J'ai dû demander à l'émissaire pourquoi il en avait après la France. Il m'a dit que c'était parce qu'on vendait des armes au “taghout” (le tyran). Je lui ai dit que ce n'était pas vrai et il m'a répondu qu'on donnait de l'argent et qu'avec cet argent ils achetaient des armes. Je lui ai dit que l'on contrôlait l'usage qui était fait de l'argent qu'on donnait (….) Nous l'avons embarqué dans la voiture blindée. Il était sur le siège arrière avec mon adjoint et je conduisais. Il y avait un passager avant droit, le gars de la DGSE qui était avec moi au consulat (...) Il a choisi l'itinéraire et nous l'avons déposé dans un endroit très populeux. Normalement, ça devait marcher, mais mon poste n'a jamais sonné, ni celui de Paris, d'après ce qu'on m'a dit. Ce n'était pas normal. Je n'ai plus eu de nouvelles de cet émissaire (…)», a-t-il relaté.