Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«Si l'on ne veut pas de nous, qu'on nous déchoie de notre nationalité» Nourredine Belmouhoub. Porte-parole du Comité de défense des internés des camps du Sud
Rencontré hier, en marge de la conférence de presse qu'il a animée au siège algérois de la SNTE, M. Belmouhoub, porte-parole du Comité de défense des internés des camps du Sud (CDICS), a bien voulu faire le point sur la situation des membres de son organisation. -A combien votre comité évalue aujourd'hui le nombre des internés des camps du Sud ? Nous évaluons le nombre d'internés des camps du sud à 24 000. Nos malheurs ont commencé en 1992. Nous pensons toutefois qu'il y en a plus. En ce qui concerne notre comité, je détiens aujourd'hui 1046 dossiers de déportés parmi lesquels 64 sont décédés. Par ailleurs, 7 ont été enlevés après leur mise en liberté. Ce qui est choquant dans notre cas, c'est que nous n'avons aucun droit. A titre d'exemple, je vous ferai savoir que les internés des camps du Sud, dont je fais partie, n'ont pas droit à un passeport alors qu'ils ont été arrêtés sans mandat. On a même refusé un passeport à ceux qui voulaient accomplir le pèlerinage à La Mecque. Je dis que ce n'est pas juste.De plus, ils n'ont pas été placés dans des prisons conventionnelles et n'ont pas été jugés par des magistrats compétents et dûment mandatés. Mieux, nous avons été remis en liberté sans procès et sans inculpation. Beaucoup parmi ces gens étaient des enseignants et, à ce jour, ils n'ont pas réintégré leur poste. -Quelles sont les principales revendications du Comité de défense des internés des camps du Sud ? Après tout ce que nous avons enduré dans ces camps du Sud, nous subissons aujourd'hui l'exclusion sous toutes ses formes. Nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes exclus de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Souvenez-vous, le président Bouteflika avait déclaré en 1999 que l'arrêt du processus électoral était une première violence. Eh bien, sachez que nous avons été les premiers fruits amers de cette violence. Il y a là une ségrégation pure et simple. Pourtant, je peux vous dire que ceux qui étaient dans ces camps du Sud n'appartenaient pas au FIS. Tout ce que l'on dit sur nous n'est pas vrai. Beaucoup de gens n'avaient rien à voir avec la politique. Beaucoup ont été victimes de règlements de comptes. Je fais moi-même partie de ces cas. Je suis apolitique et, à l'époque, je n'appartenais à aucun parti. Je n'avais également adhéré à aucun syndicat. Cela ne m'a pas empêché de me retrouver là-bas. -Quelle est actuellement la situation des internés des camps du Sud ? Il y a des gens qui meurent à petit feu après avoir été exposés aux radiations. D'autres vivent dans la précarité la plus totale. J'ai moi-même un cancer de la peau. Nous ne sommes pas soignés. Qu'on s'occupe des veuves et des orphelins de nos amis décédés. Complètement démunis, ils sont actuellement en train de piocher dans les poubelles. Dites-moi quels crimes ont-ils commis pour qu'on accepte de les laisser dans cette situation ? Nous ne sommes pas des terroristes. L'Etat – et nous disons que c'est très bien – a pris en charge les doléances des familles victimes du terrorisme, des familles de disparus et des veuves et orphelins de ceux qui ont été dans les maquis. Nous concernant, pourquoi personne ne veut nous parler ? Que veut-on cacher dans ce dossier ? Avouons que ce n'est pas normal. D'un côté on demande à la France d'indemniser les victimes algériennes des essais nucléaires et, de l'autre, on décide de nous parquer durant des années dans les endroits mêmes où ont eu lieu ces essais nucléaires. Il n'y a pas trente-six mille manières de nommer cela. Moi, j'appelle cela une mort sur ordonnance. -Puisque personne ne veut vous écouter, comment voyez-vous la suite des événements ? Nous avons bien écrit au président de la République, mais nous n'avons jamais eu de réponse de sa part. Nous avons entrepris la même démarche avec l'APN et le Sénat. Toutes nos sollicitations sont restées sans réponse. Personne ne nous a répondu, comme si nous étions des coupables. Après épuisement des voies de recours légales nationales, nous avons décidé, en vertu du pacte des droits civils et politiques (art. 2), de déposer une plainte auprès du Comité des droits de l'homme des Nations unies. Il faut que vous sachiez que les articles scélérats 45 et 46 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale nous interdisent de nous adresser à un tribunal et de parler de notre affaire. Au-delà, personne ne s'est inquiété de notre sort. Si l'on ne nous considère pas comme des Algériens, si la loi algérienne ne nous protège pas, alors il est de notre droit, à titre de porte-parole des internés des camps du Sud, de demander au président de la République de nous déchoir, nous et nos familles, de la nationalité algérienne.