La monétique, ou les moyens modernes de paiement et de retrait d'argent, a connu un lancement effectif en Algérie, il y a plus de cinq ans. Depuis, les cartes bancaires, les distributeurs automatiques de billets et même des terminaux de paiement sont techniquement installés et prêts à l'usage. «Au plan technique, tout est en place et tout fonctionne, y compris la possibilité de payer par internet, ou le paiement on line», nous affirme Hadj Alouane, directeur général de la Société d'automatisation des transactions interbancaires et de monétique (Satim). Or, sur le terrain, force est de reconnaître qu'hormis les retraits électroniques des distributeurs automatiques de billets (DAB), la monétique demeure loin d'intégrer les usages économiques et commerciaux en Algérie. Si toutes les conditions logistiques et techniques sont effectivement réunies pour la généralisation des moyens de paiement modernes, pourquoi donc cela ne marche guère ? Les raisons semblent à la fois anodines et complexes, selon qu'on se place du point de vue des banquiers et spécialistes ou de celui des usagers et commerçants. «Je me servirais bien de ma carte bancaire pour payer mes achats, mais faudrait-il encore que les commerçants puissent m'offrir cette possibilité», nous dit un détenteur de carte interbancaire (CIB). De fait, même sur les grandes artères commerçantes de la capitale, rares sont les magasins qui affichent une pancarte CIB sur leur vitrine, indiquant qu'on peut y payer ses achats par carte. Et quand cela est le cas, les terminaux de paiement électronique (TPE) sont généralement très peu utilisés. «Nous faisons partie des tous premiers à avoir mis un TPE à la disposition de nos clients, mais il est rare que l'on enregistre des paiements par carte bancaire», témoigne un pharmacien dont l'officine est pourtant installée sur la rue Hassiba Benbouali, l'une des plus fréquentées d'Alger. S'il est vrai que le nombre limité de TPE installés dans les commerces – à peine 3000 selon les chiffres de la Satim – constitue l'un des freins majeurs au développement de la monétique, il n'est pas moins vrai que l'alternative du paiement électronique se heurte indéniablement à l'inertie qu'exerce la culture du cash, dans une sphère commerciale où l'informel est monnaie courante et où même le chèque ne bénéficie que de peu de crédit. «Pour ce qui est du paiement électronique, nous considérons que nous sommes encore en phase expérimentale, car les commerçants ne se sont pas encore acclimatés à ce mode de règlement», admet en ce sens le délégué général de l'Association des banques et établissement financiers (ABEF), Abderrahmane Benkhalfa. Et d'ajouter : «Même les commerces qui disposent de TPE ne proposent pas souvent à leurs clients de payer par carte.» De son côté, le directeur général de la Satim rappelle que la structure qu'il dirige est une société créée par les banques pour accompagner la mise en place et le fonctionnement technique de la monétique. Aussi, avance-t-il, «toute la partie commerciale liée aux moyens de paiement électronique relève des fonctions des banques et de la poste, celles-ci étant donc censées œuvrer à intéresser les commerçants à se doter et se servir de terminaux de paiement électronique». Le fonctionnement bancaire mis en cause Maillon principal dans le processus du développement des moyens de paiement modernes, la sphère bancaire publique pèche, malheureusement, par ses modes de gestion pour ainsi dire inadaptés, car ne disposant pas de systèmes d'information centralisés. Cette contrainte structurelle freine d'ailleurs non seulement l'essor de la monétique, mais aussi et surtout le processus même de la modernisation du secteur bancaire, base d'une réforme efficiente de l'économie domestique dans son ensemble. En termes plus clairs, les banques publiques, aux réseaux très étoffés, ne disposent pas encore de systèmes d'information permettant une gestion des données en temps réel. Leurs différentes agences sont pour ainsi dire autonomes en termes de fichiers clients et d'enregistrement d'opérations bancaires. Ces informations, essentielles pour le respect des règles prudentielles, circulent donc en décalage et non en instantané au sein des réseaux bancaires publics. De l'avis du délégué général de l'ABEF, «cela ne cause pas vraiment de problèmes dont l'état actuel des choses, eu égard aux volumes réduits des règlements électroniques traités». Cependant, admet-il, «le développement du mode de paiement électronique exige une information on line sur les comptes des uns et des autres. Aussi, quand il y aura plus de règlements électroniques à traiter, le système d'information des banques devra nécessairement évoluer en conséquence». Globalement, résume le délégué de la communauté bancaire, «nous travaillons sur de multiples registres pour développer la monétique en Algérie, à savoir, surtout, l'évolution du système d'information des banques, la sensibilisation des commerçants aux avantages de la monétique, l'élargissement du réseau de TPE et enfin l'introduction du mode de paiement à distance, c'est-à-dire par internet». Paiement par Internet, une question de réglementation Techniquement, nous affirme le directeur général de la Satim, toutes les conditions sont réunies pour pouvoir effectuer des paiements par internet. La compagnie Air Algérie, avance-t-il, «est toute prête et veut se lancer dans ce mode de paiement, en permettant aux usagers de payer leurs billets d'avion on line». Se pose cependant un léger problème de réglementation. En effet, comme tout autre nouveau produit bancaire, ou encore l'ouverture d'une nouvelle agence de banque, le lancement du mode de paiement par internet doit d'abord être autorisé par l'autorité bancaire, soit la Banque d'Algérie, dont on attend donc le texte réglementaire rendant possible les procédures de paiement on line. «Ce problème de réglementation devra être résolu courant 2011», souligne Hadj Alouane. «La Banque centrale est tout à fait partie prenante dans la démarche visant le développement des moyens de paiement modernes et nous tablons sur le second semestre de 2011 pour qu'elle prennent les mesures nécessaires au lancement du paiement on line», confirme Abderrahmane Benkhalfa. Ce dernier conclut en affirmant que le paiement électronique ne se fera pleinement que lorsque les grands services, c'est-à-dire les grandes entreprises comme Sonelgaz, Seaal et autres joueront le jeu. «Il faut que le paiement par carte devienne la règle et le liquide l'exception», a-t-il plaidé.