La droite française est plus que jamais empêtrée dans la polémique suscitée par la loi du 23 février 2005 qui vante le « rôle positif » de la colonisation. Le gouvernement, sous la pression de la gauche et des historiens, échaudé par l'annulation de la visite de Nicolas Sarkozy aux Antilles et face à la colère d'Alger, a décidé de réagir en trouvant une issue à la crise. Après l'intervention de Dominique de Villepin qui a fustigé cette loi, c'est le président Jacques Chirac qui est monté, à son tour, en première ligne hier pour apaiser les esprits. L'Histoire, c'est la clé de la cohésion d'une nation, mais il suffit de peu de choses pour que l'histoire devienne un ferment de division, que les passions s'exacerbent, que les blessures du passé se rouvrent. Dans la République, il n'y a pas d'histoire officielle. Ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. L'écriture de l'Histoire, c'est l'affaire des historiens », note le président français dans son allocution radiotélévisée. Sans aller jusqu'à l'abrogation de la loi, pour ne pas froisser les parlementaires de sa majorité, Jacques Chirac a décidé de gagner du temps. « C'est pourquoi, face au débat suscité par l'article 4 de la loi du 23 février 2005, j'ai proposé au président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré, qui l'a accepté, de constituer une mission pluraliste pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'Histoire. Cette mission devra écouter toutes les sensibilités et devra s'entourer d'historiens. Le président de l'Assemblée nationale a précisé que les conclusions de cette mission pourraient être rendues dans un délai de trois mois et je serai très attentif aux recommandations qu'elle fera », poursuit Jacques chirac. Face à la polémique grandissante, Jacques Chirac a choisi d'aller contre les ultras de son camp, des parlementaires issus principalement de la région PACA, terre de pieds-noirs et de harkis. « J'ai demandé aussi au gouvernement que la Fondation sur la mémoire, prévue à l'article 3 de la loi du 23 février 2005, soit créée dans les meilleurs délais et qu'elle soit dotée des moyens nécessaires à son bon fonctionnement », affirme le président français, dans un souci d'apaisement. La gauche ne semble pas convaincue par la déclaration solennelle de Jacques Chirac. Pour Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, l'unique solution demeure l'abrogation de la loi. « La proposition du président de la République est la prise de conscience bien tardive des dégâts qu'a occasionnés l'article 4 réhabilitant la colonisation sur la cohésion sociale et sur l'image de la France dans le monde. La mission peut jouer un rôle utile. Mais, après le refus du gouvernement d'abroger l'article 4 de cette loi, elle s'apparente à une mission impossible », avertit le député socialiste. « Il faut maintenant que les esprits s'apaisent, il faut que vienne le temps d'une réflexion sereine dans le respect des prérogatives du Parlement, dans la fidélité à nos idéaux de justice, de tolérance et de respect, dans un esprit d'unité et de rassemblement », conclut Jacques Chirac.