Un collectif pour l'abrogation de “la loi de la honte” s'est constitué et compte parmi ses fondateurs le célèbre poète Aimé Césaire. Les vagues de la loi du 23 février ne se sont pas brisées uniquement sur les récifs d'Alger, la première à dénoncer, et avec force, ce texte qui fait l'apologie de la colonisation. Même, les Dom-Tom, pourtant restés dans le giron de la métropole, n'ont pas manqué de crier leur révolte. Au point d'amener Nicolas Sarkozy, le chef du parti au pouvoir, l'UMP, à renoncer à un voyage qu'il devait effectuer à partir d'aujourd'hui en Guadeloupe et en Martinique. L'UMP a raté une occasion de se racheter sur le sujet. Ses députés ont unanimement refusé de voter une abrogation des dispositions les plus révoltantes de la loi, proposée par les socialistes. L'indignation de l'Algérie n'a pas été entendue malgré les mots les plus difficiles utilisés par le Président Bouteflika qui parle de “cécité mentale qui confine au négationnisme et au révisionnisme...” Nicolas Sarkozy devait se rendre en Guadeloupe et en Martinique pour parler de la lutte contre le trafic de stupéfiants et contre l'immigration clandestine. “Les conditions de sérénité d'un travail collectif nécessaire pour traiter efficacement des questions fondamentales pour les Antillais que sont la sécurité, le développement économique et l'emploi, ne me paraissent pas (...) aujourd'hui réunies”, déclare-t-il pour expliquer l'annulation de son voyage. “J'ai longuement préparé ce voyage qui revêt, à mes yeux, une importance toute particulière compte tenu des enjeux en cause et des attentes des Antillais dans les domaines de ma responsabilité”, explique M. Sarkozy. “Or, je constate que des polémiques, qui tiennent pour l'essentiel à des malentendus liés à la loi du 23 février 2005, mais qui sont bien réelles, suscitent une émotion particulière”. En Martinique, l'annulation du voyage aux Antilles de Nicolas Sarkozy a été accueillie comme “une première victoire”, a indiqué Francis Carole, chef de file du Palima et porte-parole d'une trentaine d'organisations politiques, syndicales et associatives. Plusieurs syndicats et partis politiques ont décidé de maintenir leur mouvement de protestation en Guadeloupe malgré l'annulation de la visite du ministre de l'Intérieur, prévue mercredi soir, a-t-on appris de source syndicale. De nombreuses voix s'étaient élevées en Martinique contre la venue de M. Sarkozy, notamment en raison de la loi de février 2005 sur les rapatriés faisant état d'un “rôle positif” de la colonisation française. Figure éminente de la Martinique et des Antilles, l'écrivain et homme politique Aimé Césaire, avait annoncé qu'il ne recevrait pas le ministre et président de l'UMP. Un “collectif martiniquais pour l'abrogation de la loi de la honte” s'était constitué mardi, proclamant sa volonté de faire supprimer un texte législatif qui à ses yeux “justifie les crimes commis au nom d'une civilisation qui a conduit à l'extermination de peuples, à l'extinction de cultures et au pillage de nombreux édifices”. On y retrouve le Comité Devoir de mémoire, la ligue des droits de l'Homme, le Comité martiniquais de la musique, l'association des maires de Martinique, ainsi que plusieurs partis de gauche comme “Bâtir le pays Martinique”, la fédération socialiste de la Martinique, le parti progressiste martiniquais. Parmi les personnalités qui l'ont rejoint : le poète Aimé Césaire, auteur du “Discours sur le colonialisme” et ancien député-maire de Fort-de-France qui avait annoncé lundi sa décision de ne pas recevoir M. Sarkozy. Ce collectif s'est doté d'un bureau composé d'élus comme le maire de Fort-de-France, Serge Letchimy. Il a appelé “tous les Martiniquais et l'ensemble des forces politiques du pays à s'unir pour organiser une riposte pacifique pour l'abrogation d'une loi qui vante les prétendus mérites de la colonisation et nous touche profondément dans notre dignité”. Il a appelé à des rassemblements et manifestations mercredi et jeudi et demande “aux élus de boycotter les rencontres prévues autour du président de l'UMP”. Cependant, le collectif précise qu'il ne s'agit pas de “s'opposer à la venue du ministre de l'Intérieur, mais de signifier au chef de l'UMP, groupe qui a présenté et défendu ce texte à l'Assemblée nationale, sa désapprobation et sa détermination de parvenir à l'abrogation de la loi de la honte”. Dans la foulée de l'annulation du déplacement de Sarkozy, le ministre de l'Outre-mer, François Baroin, a affirmé qu'il n'y avait pas “d'histoire officielle” en France. Interrogé sur la polémique suscitée par la loi sur les rapatriés du 23 février 2005, du “rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du nord”, M. Baroin a estimé sur France 2 que “ce n'est certainement pas aux politiques de dire l'histoire officielle”. Il a souligné que l'article contesté n'était pas “le choix de l'UMP” mais l'initiative d'un parlementaire UMP. Cette initiative était “sujette à caution”, mais la réponse du PS qui a proposé fin novembre de supprimer cet article “pouvait être interprétée comme sujette à caution”, a-t-il estimé. Selon le ministre de l'Outre-mer, l'article de loi “n'a pas de valeur normative, n'a pas d'impact mais nécessite de l'explication”. “C'est l'honneur de la République de savoir que les programmes d'enseignement d'histoire sont constitués par des experts, des historiens dont “c'est le métier”, a-t-il dit, en affirmant qu'il n'y avait “pas d'histoire officielle”. “Dès qu'on touche politiquement à quelque chose qui peut rappeler en écho une part d'identité sur laquelle les uns et les autres, génération après génération, s'interrogent, on touche à quelque chose d'extraordinairement sensible”, a-t-il aussi observé. “C'est pour cela que le report (de la visite de Nicolas Sarkozy) est sage”, a-t-il dit. Selon lui, “la tension” dans les Antilles “n'était pas vis-à-vis de l'arrivée du président de l'UMP”. Issu de deux amendements UMP, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 en faveur des rapatriés et des harkis stipule que “les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord”. Sur le même ton, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a estimé qu'il n'appartenait pas “aux politiques de réécrire l'histoire”, et celui de l'Education nationale, Gilles de Robien, a affirmé que l'histoire devait être enseignée à l'école “en toute neutralité et toute objectivité”. Invité de la radio RMC, il a déclaré ne pas savoir, s'il avait été parlementaire à cette date, s'il aurait voté la loi. “On ne peut nier que ponctuellement, il y eut des choses positives mais, globalement, je ne peux le dire”, a-t-il souligné. Quant à l'enseignement de la période de la colonisation, le ministre a affirmé : “je fais pleinement confiance aux enseignants pour faire apprendre l'histoire en toute neutralité, toute objectivité, de façon factuelle plutôt qu'interprétative. Leur liberté pédagogique doit leur permettre d'objectiviser les choses et ne pas se lancer dans l'idéologie”. En réalité, les historiens n'ont pas attendu ces poussées d'émotion pour dire leur refus de cet enseignement tendancieux de l'ère coloniale. Ils ont été parmi les premiers à monter au créneau s'attirant les foudres de l'extrême-droite et des nostalgiques du paradis perdu. span style="font-size: 10pt; mso-fareast-font-family: "times new roman"; mso-ansi-language: fr; mso-fareast-language: fr; mso-bidi-language: ar-sa"Yacine KENZY