Si aujourd'hui Oran est un pôle de presse, elle le doit dans une large mesure à l'existence d'imprimerie. C'est grâce à cette proximité avec la rotative d'Es Senia que, emboîtant le pas à la presse indépendante nationale, la presse locale oranaise a fait son apparition dès le début des années 1990. Ouest Tribune, un des titres ayant survécu depuis cette époque et dont le premier numéro a été diffusé le 17 octobre 1992, passe aujourd'hui mais à tort pour être le premier journal indépendant de la région. Avant lui, d'autres tentatives n'ont pas eu la même chance de survie. Les premières aventures ont échoué, mais leur exemple est important à relever. Contrairement aux premières entreprises de presse nées à Alger et où, de manière générale, ce sont des collectifs de journalistes qui en ont donné naissance, à Oran les professionnels qui ont tenté l'aventure se sont retrouvés, dès le départ, dans l'obligation de faire appel à des financiers. Ces associations d'hommes d'affaires, éventuellement des industriels, de tous bords, et les journalistes confirmés (venant du secteur public) ayant accumulé assez d'expérience pour « monter un journal » n'ont d'ailleurs pas toujours fait bon ménage. Hormis un hebdo dénommé Ouest Info qui n'a duré que le temps de quelques numéros, le premier quotidien en langue française baptisé l'Espoir est né en automne 1991. Lancé par Saïd Zahraoui grâce à un apport financier d'un industriel local, il devait répondre aux besoins d'un lectorat potentiellement intéressé par plus de proximité dans le traitement de l'information mais éventuellement contribuer à l'enrichissement de la vie politique locale. La rédaction était installée dans le dernier étage d'un immeuble, situé à proximité de la rue Philippe (Sidi El Houari), dénommé jusqu'à présent la maison de la presse de Château Neuf, en référence au palais du Bey, situé à quelques pas plus loin. Cette maison abritait durant la même période un hebdomadaire en langue arabe, Essah Afa, jeu de mots pour désigner en même temps « la presse » et « la vérité est un fléau ». Dans la salle de rédaction et les couloirs de l'Espoir se croisaient quotidiennement un grand nombre de jeunes débutants (par opposition à toute la génération issue de la République devenu El Djoumhouria). Le journal a même fait l'objet d'une visite de M. Ghozali, alors chef du gouvernement en visite à Oran. Au début de l'été 1992, alors que l'Espoir avait déjà disparu des étals, l'expérience n'ayant duré que quelques mois, un autre ancien journaliste de la presse publique, Fayçal Bensadi, s'est associé avec un homme d'affaires, M. Bensahnoun, déjà connu pour être le premier à avoir lancé une entreprise de diffusion : Les messageries de l'Ouest, pour mettre au point le projet de création d'un journal. Ouest Tribune est né, et ce n'est pas un hasard si, au début, on a fait appel à une partie de l'ancienne équipe formée dans le tas et dont la contribution n'a pas été négligeable. Mais l'association n'a pas duré et le premier directeur de publication a fini par claquer la porte pour des raisons qui ne vont pas être développées ici. Avec une ambition revue à la baisse, le journal a survécu. « Ouest Tribune, aujourd'hui doté d'une version en langue arabe : Manbar El Gharb, aurait pu être le journal régional de référence, estime aujourd'hui Abdellah Bouhali, directeur de publication de Carrefour d'Algérie, un titre né bien plus tard, en 2001. « Les financiers ne suivent pas... » Lui aussi a eu à figurer dans le staff dirigeant de ce quotidien. « C'est avec le matériel de l'Espoir que nous avons commencé avec le Quotidien d'Oran », révèle M. Djebbari, actionnaire au quotidien et propriétaire du groupe de presse le Monde Info qui édite l'Echo d'Oran, le Monde Aujourd'hui (devant reparaître en hebdomadaire) et, tout récemment Sada Ouahrane, en langue arabe. Le Quotidien d'Oran est né en automne 1994, quelque temps après la tentative avortée de la Nouvelle République. Sa particularité était d'avoir réuni un nombre considérable d'actionnaires, dont M. Djebbari qui dit avoir contribué à réunir plus d'une cinquantaine à l'époque. De grandes ambitions, pour ne retenir que celle ayant trait à l'aspect national de la publication, étaient affichées dès le départ, même si celle-ci ne se concrétisera que quelque temps plus tard, avec l'évolution et la vulgarisation des techniques de transmission de données. En effet à l'époque du press-fax, l'envoi à partir d'Oran n'était pas mis au point. M. Djebbari est toujours actionnaire, et c'est, dit-il, à cause de la difficulté à s'entendre avec autant de monde sur la ligne éditoriale qu'il a décidé, en 1999, de fonder ses propres titres. « Avec le Monde Aujourd'hui, nous voulions, à l'époque, contrecarrer tout ce qui se disait à l'étranger au sujet de l'Algérie en traitant, nous aussi, de ce qui se passe dans le monde », confie-t-il en avouant que l'ambition était démesurée compte tenu des moyens limités pour une telle entreprise. Quant à l'Echo d'Oran, le titre déjà existant depuis 1844 est considéré comme un patrimoine de la ville devant de ce fait faire dans la proximité en s'intéressant aux quartiers de la ville, aux villages et aux douars de la région. La version arabe de l'Echo d'Oran est indépendante. Le groupe emploie plus de 265 personnes, correspondants compris. « Aujourd'hui, pour lancer un journal il faut beaucoup de moyens financiers, car il faut tenir avant de se faire connaître », souligne l'ancien président du MCO. Pour lui, question publicité, les journaux de la capitale sont plus favorisés et sans l'ANEP, les journaux locaux auraient beaucoup de mal à survivre. Dans sa conception l'Echo d'Oran est parmi les rares à avoir une pagination en adéquation avec la définition d'un journal local ou régional. C'est tout l'inverse de La Voix de l'Oranie (qui édite également Sawt El Gharb) né il y a près de 5 ans et qui voulait placer la barre très haut en ayant été pensé par des universitaires. « Je devais avoir (j'ai toujours normalement) 5 % des parts au même titre que trois autres universitaires, MM Sebaa (actuel directeur de la culture), Ouadah et Benbakhti contre 80% pour Abdou Ghalem, le fondateur du journal », confie M. Bouhali qui a été impliqué au départ en tant que DP avant qu'il ne se retire. Le journal devait s'appeler La Voix tout court. Pour ce qui est de la presse en langue arabe, les titres existant aujourd'hui sont parrainés par des éditions en langue française préexistantes. Cela avec la disparition des autres publications comme El Djazaïri, El Wasl mais surtout Er-raï de M. Benaoum qui n'a pas survécu au tumulte qui a précédé la dernière campagne présidentielle. Séduits au départ par les gros tirages de certains titres de la presse régionale française, les journaux régionaux d'Oran, n'ayant pas accompli ce rêve, ont récemment, dans leur majorité tenté de se « nationaliser » en inversant la tendance, celle aussi des quotidiens nationaux qui ambitionnent de s'intéresser davantage à l'information dite de proximité. « C'est à cause de la publicité, car les annonceurs exigent des tirages nationaux », estime M. Bouhali dont le journal le Carrefour d'Oran est devenu le Carrefour d'Algérie. En 2004, à trois reprises, il a tenté une diffusion au centre du pays avec la SIA puis la Simpral et encore une fois la SIA, mais la formule a été abandonnée. Le journal a même expérimenté des unes différentes pour les éditions d'Oran et du centre du pays. « Il n'y a pas d'essor de la presse régionale, parce qu'on n'a pas fait ce qu'il fallait », constate-t-il en pensant qu'il y a encore de la place pour un grand quotidien local à condition de s'assurer une stabilité financière. Le problème, selon lui, réside dans le fait que « les bailleurs de fonds ne suivent pas sur le long terme ». Cet attrait du gain rapide déteint aussi, selon lui, sur la corporation des journalistes. « Les journalistes ont peur de proposer un salaire de peur de ne pas être acceptés et donc de se voir refuser un travail », soutient-il à titre indicatif. Avec des tirages modestes, des entreprises continuent d'exister mais la précarité de l'emploi ne trouvera sans doute de solution qu'avec un syndicat fort. Dans un cas comme dans l'autre, beaucoup reste à faire.