L'association pour la protection et la sauvegarde de la baie des Aiguades a tenu ses états généraux récemment au théâtre régional de Béjaïa. La salle est pleine, ce qui dénote l'intérêt accordé par les Béjaouis au devenir d'un lieu qui fait naturellement leur fierté mais pour lequel ils restent désarmés devant les dégradations qu'il ne cesse de subir. Au centre des débats donc, point de poésie pour louer la beauté naturelle des lieux mais les affres que subissent particulièrement l'anse des Aiguades et globalement tout le site du Gouraya. Une sorte donc de convention où les différents acteurs concernés par la réhabilitation du parc national de Gouraya, dont la baie des Aiguades fait partie, s'emploieront dans leurs interventions à redéfinir. Tour à tour, le président de l'association, le directeur du PNG et M. Mourad Ahmim, universitaire et cadre du bureau d'études Enviconsult, s'emploieront à la fois à dresser un sévère réquisitoire contre les atteintes à tout l'espace en question et à esquisser les grands axes d'une remédiation. Le PNG, selon son directeur, souffre de plusieurs contraintes : le statut juridique des terres sous-tendantes au parc, les carrières d'agrégat encore opérationnelles et la décharge publique de Adrar Oufarnou, les défrichements sans autorisation, la chasse et la pêche incontrôlées, les constructions illicites et les insuffisances budgétaires. Le parc est effroyablement envahi de détritus ; ce sont en moyenne 800 mètres cube de déchets qui sont annuellement enlevés. La mise en œuvre des dispositifs de protection est aussi aléatoire du fait du manque notamment d'un personnel spécialisé (vétérinaire, sociologue,…). L'étude de M. Ahmim est assez exhaustive. Elle pose le diagnostic écologique, un audit environnemental et propose un canevas de solutions. Sont ainsi cernées les atteintes que subit l'anse des Aiguades. A commencer par ce qui a donné le nom latin «Aiguades» aux lieux. Les sources, selon les navigateurs romains qui mouillaient leurs embarcations dans la crique pour s'approvisionner en eau potable. De la surabondance en sources dans l'antiquité et jusqu'à un passé récent, il ne reste aujourd'hui qu'une seule source. Le débit est estimé à 900 litres/heure, mais si quelques infimes volumes serviront aux visiteurs à s'éponger le visage et à étancher leur soif, la vanne reste continuellement ouverte pour tout livrer à la mer. L'arboretum constitué de plantes que l'occupant français a introduit dans le pourtour de la crique subit des agressions (incendies et arrachages). Les murs, les sentes et les escaliers menant vers le plan d'eau sont délabrés. Le parking est fortement surchargé durant la période estivale, risquant de provoquer un effondrement de son mur de soutènement, en témoignent des lézardes de plus en plus béantes, apparentes sur le mur. L'étude dévoile également un paysage d'autant plus avili par l'effondrement d'anciennes bâtisses, des branchements électriques irréguliers, des actes de vandalisme,…. La pollution est effrayante. Le beau est relégué au deuxième plan par le hideux. Les déchets solides bardent le moindre fourré. Les images projetées parlent d'elles mêmes. On y voit des déchets d'imprimerie. Elles montrent encore le résultat de l'utilisation de savons pour la douche après la baignade : des mousses poussant sur les rochers et nocives pour l'équilibre de l'écosystème. Le débat qui a suivi les communications des conférenciers a mis l'accent sur l'insécurité régnante et l'anarchie qui y prévaut, faisant apparenter la magnifique baie à une zone de «non Etat». Les autorités sont ainsi interpellées et «mises devant leurs responsabilités» pour ce qui est de la protection des lieux et des personnes.