«Les institutions élues par le peuple de même qu'elles ont autorité sur lui par sa volonté, de même qu'elles représentent tout à la fois ; son identité, sa personnalité, ses espoirs et ses idées, et qu'elles ne peuvent le représenter véritablement que si elles émanent de lui. Les élections de la représentation nationale sont les garants de la liberté de la nation et de sa présence, et c'est par elles qu'on juge d'un niveau d'une nation et de son rang parmi les nations. Quant aux peuples asservis ; leur asservissement, quand il se perpétue, pervertit leurs qualités innées et tue leur sensibilité, au point qu'ils ignorent ce que personne n'ignore et qu'ils se privent de ce dont aucune créature ne se prive.» Abdel Hamid Ibn Badis 15 octobre 1925, El Mountaquid Cette année, Youm El Îlm (Journée du savoir) va être célébré avec un plus grand nombre d'illettrés que l'an dernier, même si les autorités estiment lui mettre un diadème en le faisant coïncider avec le début des cérémonies officielles de «Tlemcen capitale de la culture islamique», encore fallait-il dire musulmane. La différence s'acquiert par le comportement et les actes. L'état délétère manifeste du champ social algérien est choquant par le constat et troublant au stade de la réflexion. Tant il est vrai que les grandes orientations engageant le devenir de l'Algérie n'ont jamais été l'émanation du désir du plus grand nombre par le canal d'une démocratie représentative via une assemblée constituante. Mis à part celle de 1963, présidée par Ferhat Abbas, et confisquée par les tenants du pouvoir, on assiste depuis à des représentations beaucoup plus afférentes au théâtre qu'à la politique. A part que c'est une tragédie dont les tristes acteurs ne cessent d'ensevelir notre glorieuse révolution, et pire du sacrilège, en son nom. Fabrique infamante d'individus… Des pièces d'un puzzle non codifié incarnent des comportements marqués par une indigence alarmante, triste conséquence d'un savoir qu'une école, censée être un facteur innovant, s'est mue en une fabrique infamante d'individus las d'exister dès l'âge où ailleurs la pensée critique est incrustée inamoviblement dans un cadre bien défini : la rationalité devenant par induction la fidèle compagne des actes quotidiens. Aux lieu et place, le seul succès de l'école algérienne a été, du moins après sa réforme dans les années 1980, une succession de succès dans les échecs. La meilleure des illustrations réside dans l'immaturité des comportements et des émergences, ô combien répétitives, de falots, incapables d'assumer leurs devenirs et s'abritant derrière le bouclier hideux du clan de la «moubayaâ». Des atermoiements expliqués par un constat captieux des responsables : «Si les Algériens souffrent d'un mal-être, marqué par un déficit rarement égal en patriotisme, c'est que le message n'est pas passé.» Le meilleur des «parangons est le système scolaire habilité, nous semble-t-il, à former des générations éclairées et qui a abouti à l'échec.» On pense inculquer le patriotisme en faisant chanter quotidiennement l'hymne national à de jeunes chérubins. Valeur du travail Les initiateurs de cette tartufferie sont d'une pauvreté culturelle extrême confirmant leur navigation à vue à l'ère du GSM. Le patriotisme commence au sein de la cellule familiale, n'attend pas un hymne et fait, donc, partie de l'expérience transmise à laquelle s'ajoute l'expérience vécue léguée par l'école. Cette dernière doit inculquer aux potaches les mythes fondateurs d'un Etat ; Lincoln et Washington aux Etats-Unis, Vercingétorix pour les Gaulois, Cavour pour l'Italie, Bismarck pour l'Allemagne et L'Emir Abdelkader pour notre pays. L'école doit également inculquer l'effort dans le travail et surtout imprégner les esprits du barème des sanctions et du mérite. Le rôle de l'école ne peut qu'être en adéquation avec l'éducation familiale, un travail en symbiose aboutissant au «moi» qui prend conscience de lui-même : l'apparition du «je» suivie plus tard par celle du «nous», consacrant à une échelle plus large la naissance de la conscience collective. «La rationalisation va de pair avec la socialisation, c'est un développement dialectique aboutissant au ‘'je''», William James. En Algérie, on en est bien loin. Entre l'aspect fallacieux de l'ombre se projetant et l'objet, les Algériens préfèrent la «grandeur» de l'ombre.