Depuis jeudi dernier, le nouveau billet de 2000 DA a fait son apparition sur le marché. Une nouvelle coupure, qui «circulera concomitamment avec les autres billets de banque et contribuera au rafraîchissement de la monnaie fiduciaire et à sa disponibilité accrue», a indiqué la Banque d'Algérie (BA), lors de la présentation, la semaine dernière, de ce billet. L'institution assure qu'il «n'y aura pas d'impact sur cette masse ni sur les prix à la consommation». Mais rien, n'est moins, sûr, puisque beaucoup d'experts en économie s'attendent à voir pousser des pressions inflationnistes. Les avis sur un éventuel impact de cette nouvelle émission sur la valeur de la monnaie nationale restent néanmoins mitigés. Dans une déclaration à El Watan Economie, Mohamed Brahim, professeur en économie à l'université d'Oran, estime que le problème n'est pas dans la valeur du dinar. Par contre, «il y aura impression de nouveaux billets et ça c'est inflationniste». Cela est d'autant plus inquiétant que «le pouvoir d'achat est déjà laminé par la hausse des prix surtout des produits alimentaires qui accaparent plus 60% du budget des ménages», dit-il. Et «à cause du crédit documentaire, tous les 6 mois les prix des produits alimentaires augmentent de 5 à 10%». Du côté du patronat, on n'est pas inquiet, mais on se pose des questions. Réda Hamiani, le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), nous a déclaré que «la masse monétaire a déjà beaucoup augmenté, mais la Banque d'Algérie a cru opportun, pour faciliter la tâche des ménages, de mettre en circulation des billets d'une valeur de 2000 dinars. Le problème: c'est qu'il y a toujours des tensions inflationnistes quand il y a une augmentation du volume de l'argent en circulation». Pourtant, selon le ministre des Finances, Karim Djoudi, l'Algérie devrait enregistrer en 2011 un taux d'inflation inférieur à celui de 2009. Mais cela, ce n'est que parce «qu'on a comprimé les prix en les subventionnant artificiellement, ce qu'on appelle une inflation comprimée», nous explique l'économiste Abderrahmane Mebtoul. Selon lui, l'émission du billet de 2000 dinars vient suppléer «à un déficit alors que la masse monétaire est déjà en surnombre». En fait, si les gens avaient remis en circulation leur argent, la BA n'aurait pas été obligée d'émettre le nouveau billet de 2000 dinars, mais ce qui arrive c'est que les ménages stockent leur argent parce qu'ils sentent que quelque chose peut se produire dans le pays suite à l'agitation politique et sociale». Scepticisme Tout le monde ne partage pas le même avis cependant. L'économiste Mustapha Mekideche nous a déclaré il y a quelques jours que «le recours à des billets d'une valeur numéraire double est dû précisément à la volonté de réduire le nombre de billets en circulation». Il pense, du coup, que «l'impact pourra être géré par la Banque d'Algérie, pour éviter une émission disproportionnée, source d'inflation, en retirant les «vieux billets», en contrepartie des nouveaux billets de 2000 DA fournis aux banques commerciales et de détail». Seulement, la BA a déjà fait savoir que le nouveau billet circulera «concomitamment» avec les autres billets qui ne seront pas retirés, mais qui bénéficieront simplement de ce qu'on appelle un rafraîchissement, c'est-à-dire remplacement des vieux billets par des nouveaux. Pour le président du FCE, «il n'y a pas pour le moment les chiffres pour pouvoir dire si la décision de la BA correspond véritablement à une volonté de donner plus d'aisance aux gens en leur évitant de transporter de gros volumes de monnaie ou si ça correspond à une création monétaire purement et simplement auquel cas, ça augmentera les effets inflationnistes, et là c'est dangereux». Une aubaine pour l'informel La Banque d'Algérie a décidé d'émettre un nouveau billet de banque pour fournir notamment une réponse aux problèmes de liquidités dans les bureaux de poste, constatés depuis quelques semaines, voire des mois. Certains experts pensent toutefois que le problème est ailleurs et considèrent que cette démarche ne fera que «faciliter davantage les opérations dans le secteur de l'informel». «Plus de 50% de la masse monétaire et 65% des biens de première nécessité sont contrôlés par l'informel», estime le professeur Mebtoul. «Une économie où tout se règle en cash traduit un climat de manque de confiance.» C'est d'ailleurs pour cela que les gens ont tendance à thésauriser leur argent. Mais «s'il décident de mettre cet argent en circulation avec les nouveaux billets de 2000 dinars, cela va créer une inflation à deux chiffres». Si l'émission du nouveau billet de 2000 dinars donne l'impression au simple citoyen que la monnaie nationale a encore perdu de sa valeur, les spécialistes ne sont pas unanimes concernant un quelconque impact sur un dinar déjà fébrile. Certains économistes pensent qu'émettre un nouveau billet de cette valeur «traduit l'état de dépréciation du dinar». D'autres, en revanche, considèrent qu'il n'y a aucun lien entre les deux. M. Hamiani estime quant à lui que «l'impact sur la valeur du dinar peut se mesurer sur deux plans. D'abord, sur le plan interne à travers l'inflation, on peut remarquer que le taux est contenu mais commence à déraper. Sur le plan externe, quant on voit le taux de change aussi bien officiel appliqué par la Banque d'Algérie ou encore, là où c'est plus grave encore, sur le marché parallèle, c'est inquiétant. Il faut aujourd'hui près de 150 dinars pour avoir un euro, le taux de change n'a jamais atteint des niveaux aussi mauvais pour le dinar auparavant. Cela prouve un manque de confiance, une situation difficile et une décote de la monnaie nationale».