Les mesures d'allégement prises au début de l'année en faveur des investisseurs et porteurs de projets ne sont finalement que des promesses destinées plutôt à embellir le discours officiel dans une conjoncture marquée par l'exacerbation des tensions sociales et politiques qu'à l'expression d'une réelle volonté d'appui aux politiques d'investissement. Annoncées en grande pompe et largement médiatisées, à tel point qu'elles ont monopolisé le débat national pendant plusieurs jours, les multiples décisions, dont le chef de l'Etat a instruit le gouvernement en février dernier, concernant notamment des facilités aux opérateurs économiques en matière d'accès au foncier industriel, au financement ou l'éradication de la bureaucratie, n'ont connu aucun stade de concrétisation, près de trois mois plus tard. Mieux encore, à tous les niveaux de l'administration, il n'y a aucun signe indiquant un changement proche dans la politique de gestion du dossier de l'investissement économique et de création d'entreprises. Les opérateurs économiques n'en finissent pas avec leur calvaire face à une administration fidèle à ses errements habituels. Ce constat a été établi lors de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie Djurdjura, qui s'est tenue la semaine dernière à Tizi-Ouzou, à l'occasion de laquelle de nombreux opérateurs économiques de la région ont exposé des situations de blocage inextricables et incompréhensibles. Ont été exposés notamment des cas qui confirment que la bureaucratie est bel et bien ancrée dans les tréfonds de la machine administrative et son éradication nécessite des changements profonds dans les comportements et la manière de concevoir le service public que de se contenter de décréter des lois et autres mesures réglementaires qui ne sont d'ailleurs pas appliquées. Pour mieux illustrer cet état des lieux, la déclaration du vice-président de l'APW, M. Hadibi, sur la manière avec laquelle l'agence foncière de wilaya a été créée en remplacement des agences communales, et gère actuellement une partie du foncier industriel, est large de sens. Echec des stratégies à dimension nationale Pour le représentant de l'assemblée élue, «l'agence de wilaya a été créée pour concentrer les pouvoirs de gestion du foncier au niveau ministériel et dépouiller les assemblées élues et les organes de gestion au niveau local de leurs prérogatives». Comment donc un ministre intervient dans la gestion d'une zone d'activité, une zone industrielle ou tout autre espace dédié à la promotion de l'investissement? «L'agence foncière de wilaya actuellement est, d'un côté, entre les mains du wali, qui en préside le conseil d'administration et qui agit en tant cadre du ministère de l'Intérieur et, de l'autre côté, sa gestion courante est confiée à un directeur qui est nommé par son ministère de tutelle (ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, en l'occurrence) et dont la vision répond plutôt à une politique sectorielle nationale que de répondre à des préoccupations spécifiques exprimées au niveau local ». Pour M. Hadibi, « avec cette politique de gestion administrative, les élus au niveau local sont devenus de simples accompagnateurs sans aucun pouvoir de décision». Toujours dans ce même registre relatif à la gestion moribonde de l'administration, un chef d'entreprise évoquera la problématique de la relation entre le wali et les directeurs sectoriels composant l'exécutif de la wilaya. Pour ce dernier, « les directeurs d'exécutif agissent en réponse aux instructions de leurs ministères respectifs que dans l'intérêt de la région ». Laquelle situation qui n'est pas à démentir lorsque des chefs d'entreprises se voient refuser des interventions pour dénouer des situations de blocage parce que des « notes ministérielles » ou autres « instructions» stipulent le contraire. C'est le cas de la wilaya de Tizi Ouzou dans son ensemble qui a dû attendre des années entières pour voir le gouvernement reconnaître son caractère montagneux, intervenu il y a quelques mois seulement, selon le vice-P/APW, et maintenant « il faut attendre encore la réponse sur la demande qui a été formulée afin d'attribuer un statut particulier à la région pour ensuite adapter les programmes de développement aux spécificités locales », c'est-à-dire orienter les opérations d'investissement vers des créneaux dont la région renferme des potentialités, comme l'agriculture de montagne, le tourisme, l'exploitation forestière ou l'artisanat. A présent, faute de ce statut particulier, les programmes affectés vers cette région sont conçus dans le cadre d'une politique nationale et répondent rarement aux besoins et aux particularités au niveau local. D'où les médiocres résultats enregistrés annuellement en termes de réalisation des projets retenus. Comme le cas de l'actuel wali qui s'est étonné, il y a quelques semaines, en se rendant compte que la consommation des budgets alloués à la wilaya ne dépasse pas les 15% ! C'est en observant la situation de près que l'on constate les défaillances qui rongent la machine administrative, parce que le cas de la wilaya de Tizi Ouzou ne fait pas l'exception. Les opérateurs économiques dans les autres régions du pays sont, eux aussi, confrontés à des difficultés complexes, mais certes à des degrés différents.