Considéré comme l'un des plus anciens opérateurs dans le secteur du tourisme dans la wilaya de Tamanrasset, Mokhtar Zounga analyse la situation de l'activité touristique dans la région. Selon lui, en plus du risque terroriste, l'absence d'une politique nationale visant à promouvoir le tourisme saharien pèse lourdement sur les agences de tourisme de la wilaya de Tamanrasset. - Comment évaluez-vous l'activité touristique dans la wilaya de Tamanrasset ? Le tourisme saharien, en particulier celui de Tamanrasset et Djanet a toujours buté sur des entraves, volontaires ou involontaires. Par exemple durant la décennie noire, le tourisme s'est carrément arrêté. Et cela a duré une dizaine d'années. Durant cette période, nous n'avons eu aucun client et ceux qui activent dans le secteur du tourisme ont changé d'activité. En 2001, nous avons décidé, en tant qu'association des agences du tourisme de Tam de relancer l'activité. Nous avons donc organisé avec des opérateurs qui travaillent dans le Sud, Air Algérie et l'ambassade d'Algérie à Paris, des virées au profit des responsables des guides touristiques. Les tâches ont été réparties ainsi : Air Algérie s'occupe du transport et nous ici, de l'accueil, de l'hébergement et des visites. Nous avons invité le Guide du Routard, le Petit Futé…, car il n'y avait aucun guide qui parlait de notre région auparavant. On leur organisé le voyage et nous les avons conduits dans le Tassili et dans d'autre beaux endroits de la région. Ensuite la presse a suivi et l'activité est relancée. Nous avons commencé à travailler depuis 2002 jusqu'à cette année où il y a eu un arrêt total de l'activité. - Justement, cette année, la saison touristique a été compromise… Effectivement. C'est une saison catastrophique. Moi je n'ai pas eu un seul client depuis le début de la saison. Tout cela est à cause des Français qui nous ont classé dans la zone rouge. Tout a commencé avec ce qui s'est passé au Niger dans la région de Arlit (kidnapping de travailleurs français) qui est une région limitrophe de Tamanrasset. Il y a eu aussi la fermeture par les autorités algériennes du Tassili qui a servi d'argument au ministère français des AE pour déconseiller aux Français de se rendre dans la région. Les tour-opérateurs français avec qui nous travaillons veulent toujours organiser des voyages à Tam, mais la décision du gouvernement français les a dissuadés. Ils ne veulent pas prendre de risque. Maintenant, nous ne pouvons rien faire si on n'autorise pas l'ouverture du Tassili. C'est l'unique argument que nous pouvons faire valoir afin de convaincre les touristes de revenir dans notre Sud. Sinon, nous ne pourrons pas les convaincre. - Quel est l'impact de cette situation sur les agences de voyages ?
Les agences de voyages souffrent de cette situation. C'est le personnel des agences qui est le plus touché. Les employés ne reçoivent plus de salaires. Et ils sont nombreux ceux qui sont dans cette situation. Toutes les agences recourent aux licenciements, car elles ne peuvent pas assurer des salaires à leurs employés. Il ne faut pas oublier que le tourisme faisait vivre auparavant jusqu'à 80% de la population locale. - Indépendamment des problèmes que vous venez de citer. Vous ne pensez pas que le manque de moyens de transport aérien performant, influe négativement aussi sur le tourisme dans la région du Sud, et particulièrement à Tamanrasset ? Le tourisme local est le plus sûr. Mais quand on sait que le prix de l'avion est équivalent à deux ou trois fois le SNMG, on comprend facilement que les Algériens ne peuvent pas se permettre des tournées touristiques. Mais la clientèle existe. Je crois que l'Algérie n'a pas une vraie politique de tourisme. Elle est inexistante. On ne veut pas faire du tourisme en Algérie. On le sent. Parce que si réellement on voulait faire quelque chose, il faudrait commencer par les bases. Et si on voulait faire du tourisme, il faudrait qu'on commence par la formation : il faut former des gens qui seront en mesure de développer le tourisme en Algérie. Et tant qu'on ne fait pas ce travail, on ne peut pas espérer à un avenir meilleur pour le tourisme.