L'inculpation, hier à New York, du directeur général du FMI pour une sordide affaire de mœurs, a ébranlé la sphère politico-financière mondiale et surtout pétrifié sa patrie d'origine, la France. Comment expliquer que Dominique Strauss-Kahn en arrive à commettre un grave délit l'exposant à de très lourdes peines, alors même qu'il traîne, toujours à son poste, une autre affaire d'ordre sexuel, certes vite oubliée, mais qui aurait dû le pousser à une stricte prudence ? D'autant que dans son pays, il est depuis quelques mois jugé comme le candidat le mieux placé pour affronter Sarkozy en 2012 : sa cote de popularité s'est élevée et ses partisans au Parti socialiste sont devenus nombreux et offensifs. Cet épisode bouleverse toute la donne politique en France. Sur fond d'euphorie de la droite au pouvoir, le Parti socialiste devra se résoudre à des révisions stratégiques déchirantes. Certes, des voix se font entendre ça et là évoquant un complot politique et Dominique Strauss-Kahn, en garde à vue, nie tous les faits qui lui sont reprochés. Mais le dernier mot revient à la justice américaine dans ce dossier explosif ressemblant, par divers aspects, à celui de Bill Clinton qui, en 1998, échappa de justesse, durant son second mandat, à la destitution. Mais même si ses conclusions ménageront le directeur général du FMI – difficile au vu des preuves accablantes – le mal est fait : Dominique Strauss-Kahn perdra son poste à Washington, hypothèquera son avenir politique en France et surtout sombrera dans le déshonneur. Cette affaire remet au goût du jour le lien trouble, voire incestueux existant de par le monde entre la politique et la morale. Pour ne citer qu'eux, les scandales d'ordre sexuel impliquant de hauts dirigeants politiques sont tellement courants qu'ils ont fini par se banaliser et ne pas choquer outre mesure. Le président italien Silvio Berlusconi en est aujourd'hui la meilleure caricature. L'addiction au sexe est courante et Dominique Strauss-Kahn est apparemment dans ce registre médical. Mais il y a une dépendance bien plus grave au niveau des sphères dirigeantes des Etats : le goût immodéré pour le luxe et l'argent facile. A la base des révoltes agitant le monde arabe depuis plusieurs mois, la dénonciation par les peuples de la prédation des biens de la collectivité nationale. Ben Ali, Moubarak, El Gueddafi – en attendant des révélations sur d'autres dirigeants – ont édifié des empires économiques et financiers et fait fuir des milliards de dollars à l'extérieur de leur pays. L'exercice de la politique est intimement lié à la corruption et au vol pas seulement dans le Tiers-Monde où cela se pratique de manière brute. Dans les pays dits développés, la prédation est plus sophistiquée mais néanmoins désastreuse tant pour les populations nationales que pour les pays exploités par le biais de l'échange économique inégal. Pour des milliards d'individus, la vertu, dans la politique, c'est de pouvoir vivre décemment sans se faire exploiter. On est loin de la chambre d'hôtel de DSK, bien que la vertu doive d'abord concerner la sphère privée.