Les négociations entre les 149 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la libéralisation des échanges commerciaux et les moyens à même d'abaisser les obstacles au commerce semblent prendre une tournure inquiétante. Au quatrième jour de la Conférence ministérielle de l'organisation à Hong Kong (Chine), la question des subventions à l'agriculture et du soutien important apporté par l'Union européenne et les Etats-Unis à leurs exportations n'est toujours pas tranchée. Alors qu'il ne reste qu'un seul jour pour terminer les négociations, les pays émergents et en développement accusent ces derniers de « fausser les échanges mondiaux » et d'entraver les efforts visant à parvenir à un accord général. Hier, le commissaire européen, Peter Mandelson, s'est dit inquiet de la tournure des négociations à l'OMC qui, à ses yeux, « reculent plutôt qu'elles n'avancent », jugeant difficile de signer un accord en l'état actuel des débats, rapportent les agences de presse. « Je ne veux pas envisager un échec à Hong Kong, mais je ne vois pas l'intérêt de souscrire à un accord final qui ne ferait que graver dans le marbre de faibles ambitions, réduire les avantages pour les pays en développement et ne serait pas à la hauteur de nos responsabilités pour l'économie mondiale », a ajouté le négociateur européen. Passant en revue les principaux volets de la négociation, ce dernier a indiqué, lors d'une conférence de presse tenue hier, que « pour le commerce des produits industriels, il est possible que nous puissions finalement définir une formule de réduction des tarifs, mais avec tellement de restrictions qu'il est impossible de prévoir quelle ouverture des marchés elle apportera ». Pour sa part, le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, a averti que si la Conférence ministérielle de Hong Kong n'aboutit à aucun résultat, les pays membres « n'auront pas une situation sur laquelle (ils) pourront construire par la suite. Ce sera un moins ». Et d'estimer : « Les négociations se trouvaient à environ 55% du chemin (vers un accord), tandis qu'il était initialement prévu que Hong Kong permette d'atteindre 66%. » Il convient de rappeler que quelque 120 pays en voie de développement membres de l'organisation ont formé un front commun pour obtenir des pays riches, Union européenne et Etats-Unis en tête, des mesures concrètes d'aide et la fin de leurs subventions au secteur agricole. Ce front réclame « l'élimination complète des mesures de soutien à l'exportation versées par les pays développés d'ici à 2010 » et réaffirme « la nécessité d'une réduction substantielle des aides internes faussant le plus les échanges commerciaux ». Il exige aussi un résultat concret à Hong Kong sur un accès sans droit de douane ni contingent des exportations agricoles des pays les moins avancés aux marchés des pays riches. Le Brésil et l'Inde, grands exportateurs de produits agricoles, figurent parmi les pays les plus actifs de ce front et tentent de faire pression sur les Etats-Unis et l'Europe pour qu'ils ouvrent leurs marchés à leurs exportations. Cependant, l'offre faite devant l'Organisation mondiale du commerce par l'Union européenne pour ouvrir davantage son agriculture « n'a pas reçu d'équivalent de la part des autres membres de l'OMC ». Le négociateur européen a exprimé, à ce propos, sa déception quant au refus des autres pays « de discuter de cette offre », jugée insuffisante par les pays en développement et les grands exportateurs agricoles comme les Etats-Unis. Selon les observateurs, faute de consensus sur le dossier ultradélicat de l'agriculture, la conférence de Hong Kong devra très probablement être rejouée au printemps de l'année 2006. D'autant que les pays du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), liés à l'Union européenne par des accords commerciaux préférentiels, ont menacé hier de refuser à l'OMC un accord qui ne tiendrait pas compte de leurs préoccupations. Les 56 pays ACP membres de l'organisation craignent que leur accès préférentiel au marché européen ne soit compromis par un accord général de baisse des droits de douane qui les mettrait au même niveau de concurrence que les autres pays. De son côté, accusant les pays riches de ne rien faire pour améliorer les choses, la Banque mondiale a estimé jeudi que « les pays en développement sont arnaqués par le système commercial mondial et les discussions en cours à Hong Kong sont loin de résoudre les problèmes fondamentaux ». Dénonçant les subventions agricoles des pays riches, la BM a souligné que depuis l'ouverture des négociations « les pays riches ont versé en trois jours plus de 2 milliards de dollars à leurs agriculteurs sous différentes formes d'aides. Dans le même temps, les 300 millions d'Africains les plus pauvres ont gagné moins d'un milliard de dollars à eux tous ». Notons enfin que notre ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a pris part à l'ensemble des consultations des ministres des pays en développement et a réitéré la position de l'Algérie sur les questions objet de négociations en mettant l'accent particulièrement sur les difficultés que rencontrent les pays en cours de négociation pour leur accession à cette organisation.