Ahmed Ouyahia, le chef du gouvernement, a déclaré, jeudi à l'agence officielle APS, que selon les informations qu'il recueille « quotidiennement auprès de l'équipe se trouvant aux côtés du chef de l'Etat à Paris, y compris le professeur Messaoud Zitouni, la convalescence du président Bouteflika se déroule de manière parfaite ». C'est la quatrième fois qu'Ouyahia s'exprime sur l'état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, 68 ans, hospitalisé à Paris depuis le 26 novembre dernier, et qui aurait été opéré, selon l'unique bulletin médical daté du 5 décembre et signé par le professeur Messaoud Zitouni, d'un « ulcère hémorragique au niveau de l'estomac ». M. Ouyahia a « fermement démenti », selon l'APS, « les rumeurs insensées, véhiculées par certaines sources étrangères, au sujet de l'état de santé de Abdelaziz Bouteflika ». Aucune idée cependant sur ces « sources ». « L'absence à ce jour d'un communiqué médical, depuis celui déjà émis par le professeur Zitouni, est tout à fait normale. Ce même communiqué contenait l'ensemble des indications appropriées et avait de surcroît précisé que le chef de l'Etat suit la phase de convalescence prescrite par ses médecins », a indiqué le chef de l'Exécutif qui a conclu à l'APS : « La sortie du président Abdelaziz Bouteflika de l'hôpital du Val-de-Grâce interviendra dans quelques jours. » Ahmed Ouyahia ne parle plus du « retour du Président » qui interviendrait, depuis trois semaines, « dans quelques jours », mais il évoque seulement la sortie de l'hôpital. Cela voudrait-il dire que Bouteflika poursuivrait sa « stricte et rigoureuse convalescence » hors de l'Algérie ? Motus et bouche cousue. Ouyahia, qui se veut apaisant sur l'état de santé du Président, a-t-il les moyens de ses assurances ? Le ton laconique maintenu et la nuance entre le fait que c'est à Ouyahia de recueillir les informations et non pas qu'il soit systématiquement tenu informé par des canaux réguliers peuvent appuyer cette thèse. « L'équipe » qui se trouve auprès du chef de l'Etat semble maintenir un embargo sur l'information. Au point que les autorités françaises n'ont trouvé d'échappatoire aux sollicitations des médias qu'en se parant du voile du « secret médical ». Des sources à Alger évoquent une zone d'exclusion communicationnelle, hermétiquement gérée par des proches de Bouteflika. La communication officielle, avec l'épisode du chanteur Mami, semble évoluer loin des canaux de l'Exécutif. A tel point que le parti du chef du gouvernement, le RND, tienne une réunion organique, jeudi à Tizi Ouzou, sans que l'état de santé de Bouteflika ne soit évoqué publiquement. Contrairement au FLN et au MSP, qui formulent des vœux de rétablissement avec discipline, le RND n'a rien dit. Pourtant, les trois partis évoluent dans le cadre d'une alliance, née au lendemain de la réélection de Abdelaziz Bouteflika, en 2004, à la magistrature suprême. Le rôle de « porte-parole » incomberait-il plutôt à Abdelaziz Belkhadem, patron du FLN, parti officiellement présenté comme rival du RND. C'est ce même Belkhadem, également ministre d'Etat, qui avait assuré, le 13 décembre dernier, que le Président « gère à distance les affaires du pays ». Entre les deux frères ennemis, tente de s'infiltrer Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères, dont les déclarations à la Radio nationale ont été reprises jeudi par Reuters : « Les choses vont bien. Il (le Président) est en bonne santé. Croyez-moi, il n'y a pas de problème. » Les rapports de force entre le RND et le FLN ne remplissent pas toutes les cases vides de l'explication. La communication autour de la maladie ou de la guérison du Président, de la date de son retour surtout, semble emprunter des pistes contrôlées par son entourage familial. Et ce n'est pas - semble- t-il - la meilleure tactique pour mettre fin aux « rumeurs insensées » et à la susceptibilité des Algériens, mis à l'écart par un système qui semble avoir donné sa langue au chat.