Les Algériens ne savent pas quand le président de la République, hospitalisé à Paris depuis le 26 novembre dernier, va rentrer au pays. Personne, au niveau supérieur de l'Etat, ne semble prêt à les en informer. Dix-sept jours après l'admission du chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika, 68 ans, à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, l'inquiétude s'installe. Autant que le doute. Officiellement, le retour du chef de l'Etat est « une question de temps », selon les propos d'Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, tenus le 6 décembre. La décision de ce « retour » revenait, d'après ses dires, aux médecins. A ce jour, depuis l'admission hospitalière, un seul bulletin médical a été rendu public, signé par le professeur Messaoud Zitouni, spécialiste en chirurgie générale, dans lequel a été évoquée, pour la première fois, la source du mal : « Un ulcère hémorragique au niveau de l'estomac. » « Une thérapeutique chirurgicale a été alors prescrite et pratiquée », a précisé le médecin qui a souligné « la convalescence stricte et rigoureuse » imposée au malade. Des sources nous ont indiqué hier que le professeur Zitouni ne pouvait pas établir un bulletin médical chaque jour. C'est inconcevable », a-t-on indiqué. Invité hier du grand-jury RTL-Le Figaro-LCI, Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, a ajouté une couche à l'incertitude ambiante. « Le secret médical empêche de dire comment va le président Bouteflika. Je ne peux pas vous dire ce qu'a M. Bouteflika », a-t-il déclaré. C'est la première fois que le chef de la diplomatie française s'exprime sur la question. Aucun officiel français n'a rendu visite, du moins publiquement, au Président au Val-de-Grâce. Aucune image, ni de près ni de loin, n'a été diffusée sur les télévisions françaises ou internationales sur Bouteflika. Samedi soir, la chaîne privée TF1, qui n'a, jusque-là, évoqué la maladie du président algérien que du bout des lèvres, a consacré un sujet à « l'hospitalisation étonnamment longue » de Bouteflika. Le journaliste, qui citait des chirurgiens, n'a pas résisté à la tentation de faire un parallèle curieux avec l'hospitalisation, il y a une année, de Yasser Arafat. Le président de l'Autorité palestinienne est décédé quelques jours après son admission à l'hôpital du Val-de-Grâce. Le Figaro, quotidien réputé proche de la droite au pouvoir, a, dans son édition de samedi, évoquait « le silence de cathédrale » qui entoure la maladie de Bouteflika. « Déjà en retrait lors de l'agonie de Yasser Arafat, les communicants français sont cette fois d'une discrétion absolue. Une retenue qui pourrait valoir à Paris le rang de capitale des secrets médicaux d'Etat », a écrit le journal. Même constat, même parallèle. L'intérêt grandissant de la presse française à l'égard de l'hospitalisation de Bouteflika, même s'il n'est pas accompagné de nouvelles informations, semble obéir à des considérations politiques et suggérer une certaine gravité de l'état de santé du chef de l'Etat algérien. A Alger, où on est quelque peu irrité par cet intérêt médiatique, les autorités gardent un silence qui, à la longue, sera dur à supporter. L'ENTV et son petit clone Canal Algérie, qui gardent toujours les réflexes du parti unique, continuent d'ouvrir les journaux par « les messages » présidentiels adressés aux chefs d'Etat étrangers. Hier, c'était le tour des présidents kenyan et nigérian de recevoir ces missives officielles. L'ENTV ne dit pas pas si ces messages sont écrits par le chef de l'Etat sur son lit d'hôpital (cela suppose qu'il suit de près l'évolution de l'actualité internationale) ou si un secrétariat se charge de la rédaction de ces messages pour entretenir l'illusion du « tout va bien ». Malade lui aussi, Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, a pris la parole, à travers la radio nationale, pour neutraliser la rumeur qui courait sur lui en Algérie. Abdelaziz Bouteflika, lui, ne s'est pas exprimé en public sauf par voie épistolaire. Est-ce suffisant pour rassurer ? Hier, l'ancien président de la République, Ahmed Ben Bella a, cité par l'agence officielle APS, exprimé sa « grande satisfaction » suite à « l'évolution favorable » de l'état de santé de Abdelaziz Bouteflika lui souhaitant un « rapide retour » au pays. Ben Bella, qui s'est référé à l'unique bulletin médical du professeur Zitouni, sait-il quand Bouteflika sortira de l'hôpital ? Simple question.