Sur de vieilles rengaines de musique indienne, dans des décors somptueux ou carrément kitch, avec des stars toutes en rondeurs envoûtantes, le cinéma indien a encore frappé un grand coup au Festival de Cannes. Cannes (France) De notre envoyé spécial C'est un documentaire produit par Shekhar Kapour : Bollywood, the greatest love story ever told montré lors dans une séance spéciale. Un monde vertigineux, magique, pur produit du cinéma le plus prolifique du monde et qui compte plus d'un milliard de fans en Inde, et aussi d'Addis Abeba à Marrakech en passant par Kuala Lampour. L'usine de rêves de Bombay fonctionne à plein rendement, surfant inlassablement sur les religions, les castes, les classes sociales pour produire des images de pur divertissement. Le film montré à Cannes est un montage des meilleures séquences de chants, danses, rêves et mélodrames filmées depuis 50 ans dans les studios de Bollywood, dominées par les figures mythiques de Amitah Bachchan (Big B), Shah Rukh Khan (SRK), Aishrawiya Rai ou Madhuri Dixit, ces deux dernières, splendides beautés chères aux cinéphiles indophiles… Du côté de la compétition, le film américain The Tree Of Life, de Terence Malick, avec Brad Pitt et Sean Penn est apparu comme une œuvre insaisissable, très étrange. C'est un récit mené tambour battant, d'un souffle épique incroyable et d'une grande splendeur visuelle qui s'attache à la saga d'une famille très croyante dans le Texas des années 1950. Le père est colérique et obsédé par l'éducation de ses trois enfants. La mère, au contraire, est douce et compréhensive. Cette figure lumineuse d'une femme texane est seule à tenter de garder la famille solide et unie, tandis que la brutalité du père donne des cauchemars aux enfants. La richesse de la mise en scène de Terence Malick dépasse de loin la simple histoire d'une famille. Allo Beyrouth ! Aidé par des scientifiques, des paléontologues de Harvard et de Montana State University, le cinéaste américain a cherché à inscrire cette histoire dans l'histoire de l'univers, avec des effets visuels spectaculaires pour montrer le chaos de la naissance du monde… Des applaudissements mêlés de quelques huées ont accueilli The Tree Of Life à la séance de presse. Alors que Le Gamin au Vélo, film belge des frères Dardenne a fait indiscutablement l'unanimité. Les deux co-réalisateurs s'appuient sur leur propre tradition d'un cinéma social avec un grand souci de qualité. Un gamin de 12 ans nommé Cyril pédale sur son vélo, tombe et se relève. Il fait partie de la catégorie des enfants abandonnés dans un foyer social. Son désir absolu c'est de retrouver son père. C'est une recherche irréversible, violente, têtue et très bouleversante. Quand il le retrouve enfin, le père, poussant la lâcheté à l'extrême, lui annonce qu'il ne veut plus le revoir. Cette histoire est filmée sans surcharge d'émotion. Une horreur sèche, directe, sans larmes. Cyril tombe par hasard sur une femme, étrangère à son histoire, qui l'aide, le protège et l'adopte définitivement. Comme le cinéma de Ken Loach, le travail des frères Dardenne est comme un coup de poing dans la vie de tous les jours. Ils enfoncent le clou dans une toile de fond souvent sordide. Le Gamin au Vélo est un film rapide, mouvementé. Avant qu'il ne s'apaise, Cyril est une boule de nerfs lancée à fond sur son vélo. La section «Un Certain Regard» a montré le film de la Libanaise Nadine Labaki : Et maintenant où on va ? Dans un village de montagne, le maire, le prêtre et l'imam tentent de faire régner la paix, aidés par les femmes du village, chrétiennes et musulmanes, qui ne veulent plus voir se déchaîner la folie des hommes. Filmée dans une douce lumière, sur un rythme de chansons orientales, cette histoire fonctionne comme un baume, une promesse qu'il est possible de changer les choses au Liban, de stopper la fatalité des guerres fratricides. Comme une chanson de Fayrouz : Al Qods, Madinat Essalam.