L'Algérie a constitué au cours des cinq dernières années un marché très prisé pour le commerce des véhicules neufs. Pas moins d'une vingtaine de concessionnaires se sont rués sur le marché local pour se partager annuellement un gâteau d'un milliard de dollars. Le nombre de véhicules neufs vendus a littéralement explosé pour atteindre les 180 000 en 2004, soit une augmentation de 76% par rapport en 2003, selon les statistiques du ministère du Commerce. En plus des gains, ce sont aussi les conditions d'installation qui attirent les investisseurs en concession automobile. Ces derniers bénéficient des avantages fiscaux, mais surtout de l'absence de régulation et de contrôle. En Algérie, " tout le monde opère en terrain conquis ", pour reprendre les paroles d'un ancien cadre qui a offert ses services à plusieurs concessionnaires. Pour vendre, on ne lésine pas sur les moyens. Les médias nationaux sont carrément arrosés par des campagnes publicitaires aussi séduisantes les unes que les autres. " Garantie une année et service après-vente assuré ", ce sont là les deux maîtres-mots ressassés par toutes les campagnes de publicité. Des concepts qui perdent souvent leur sens dès que le véhicule est livré. Une virée du côté de quelques concessionnaires à Alger nous a confirmé cet état de fait. La cherté de la pièce de rechange, son indisponibilité, la cherté des prestations de services, le non-respect des clauses du contrat de garantie... sont autant de griefs reprochés aux concessionnaires. Des reproches qu'on admet difficilement au niveau des concessionnaires. S'agissant de l'indisponibilité des pièces de rechange, le magasinier de Fiat Algérie affirme plutôt le contraire. " J'ai ici dans le magasin toutes les pièces des véhicules que nous mettons actuellement sur le marché à l'instar de la Palio et la Siena. Je peux même vous faire monter une. " Pourtant, à quelques dizaines de mètres de lui, des clients affirment le contraire. " Cela fait longtemps que j'attend un axe de volant pour ma Palio ", affirme Saïd, la trentaine, dont le véhicule a été endommagé. Et dans le cas où la pièce existe, c'est sa cherté qui pose problème. La pièce est même plus chère que celle vendue chez certains revendeurs agréés. Une cherté justifiée, dans le cas de Fiat, par l'existence d'intermédiaires. " Nos pièces proviennent du Brésil en passant par la maison mère en Italie ", affirme le même magasinier. Pour ce qui est de la facturation des prestations de services en Algérie, elle est laissée à la seule estimation du concessionnaire. " Sous d'autres cieux, la facturation de la main-d'œuvre est fixée par la loi, chez nous elle est laissée au bon vouloir du concessionnaire ", nous fait savoir un juriste qui attendait la fin des travaux de révision de son véhicule. Facturé par heure de travail, le prix de la prestation de services varie selon la nature du travail, mécanique ou tôlerie. D'un concessionnaire à un autre, ce prix peut aller du simple au double pour la même prestation de service. Chez le concessionnaire Fiat, il est de 800 DA hors taxes pour la mécanique et de 1000 DA hors taxes pour la tôlerie. Sur quelles bases les concessionnaires fixent-ils les prix de la main-d'œuvre ? " C'est la maison mère qui fixe le prix ", répond M. Château, responsable technique chez Fiat Algérie. Pareil, pour la garantie. cherté des prestations Ce n'est pas la législation algérienne qui fixe les règles de la garantie, mais c'est plutôt les concessionnaires. Une garantie, à en croire les consommateurs eux-mêmes, qui est loin d'être respectée. Devant l'incapacité de faire valoir leurs droits et en raison de la cherté des prestations de services dispensées, les clients, du moins une grande partie d'entre eux, préfèrent faire les révisons périodiques de leurs véhicules chez le mécanicien du coin malgré tous les risques qu'ils encourent. Lors d'une rencontre avec le mouvement associatif pour la protection des consommateurs, le ministre du Commerce El Hachemi Djaâboub a fustigé publiquement les méthodes de travail des concessionnaires installés en Algérie. Il y a, selon lui, " un besoin réel pour réglementer l'activité car les citoyens sont lésés et leurs droits sont bafoués par les concessionnaires. Ils ne respectent pas les clauses de leurs contrats ". Plusieurs griefs ont été retenus par le ministre contre les représentants des constructeurs automobiles en Algérie. "Des citoyens payent pour avoir leurs véhicules dans le mois qui suit, alors que la livraison se fait une année, voire deux ans après. Le service après-vente n'est pas assuré. La présence sur le territoire national n'est pas au seuil exigé. Le réseau qui doit être mis en place fait défaut ", a-t-il relevé. Pour mettre de l'ordre dans la profession, le ministre annonce la préparation d'un décret exécutif au niveau du ministère de son département. Un texte de loi qui, dit-il s'inspire " des exemples dans les pays modernes ". " Nous n'avons rien inventé ", a-t-il commenté. El Hachemi Djaâboub a lancé " un avertissement officiel " à l'intention des concessionnaires " pour qu'ils respectent les droits des consommateurs. " Etre concessionnaire c'est bien, ça fait gagner de l'argent, mais ils doivent respecter leurs obligations d'une façon scrupuleuse ", a-t-il martelé.