Séverine Labat et Malik Aït Aoudia ont réalisé un documentaire qui est appelé à faire date. Dans le désert médiatique, l'absence d'images de la « sale guerre », ce documentaire est incontournable. Que l'on partage ou non la vision des auteurs. Un DVD indispensable. Le documentaire de Séverine Labat et Malik Aït Aoudia, Algérie 1988-2000, autopsie d'une tragédie, est comme un bol d'oxygène. La décennie rouge est (presque) derrière nous. La question du « qui tue qui ? » est, selon ce documentaire, indécente. « Dans le souci de rendre la tragédie algérienne accessible au plus grand nombre (...), nous proposons ici un documentaire en trois volets. Nous avons choisi de croiser les regards des différents acteurs sur chacun des évènements clés de l'histoire algérienne de ces quinze dernières années. Sélectionnés sur la base de leur implication dans l'événement relaté, les intervenants sont interrogés sur leur processus de décision », expliquent les auteurs. Le documentaire s'ouvre sur la période 1988-1992, intitulée Chronique d'une guerre annoncée. On replonge dans l'histoire immédiate, la révolte du 5 octobre 1988, l'effondrement du FLN, l'émergence du FIS et déjà la fermeture de la parenthèse démocratique. S'en suit la période la plus sanguinaire (1992-1994). Les islamistes étaient aux portes du pouvoir. Enfin, on ne peut pas trop reprocher aux auteurs leur optimisme, la troisième partie. Celle qui représente le déclin de l'islamisme, toujours selon les auteurs. On assiste à cette période des pires massacres collectifs et à l'internationalisation du conflit. « Pour la première fois, des membres du gouvernement de l'époque et des opposants au régime, des militaires et des policiers chargés de la lutte antiterroriste, mais aussi des fondateurs du FIS et du GIA acceptent de témoigner et racontent leurs vérités. » Pour le bonus, le détournement de l'Airbus d'Air France par le GIA, les auteurs sont pour le moins opportunistes. Selon eux, ce détournement aurait été une tentative avant l'heure du 11 septembre. Le commando du GIA aurait eu l'intention de faire exploser l'avion au dessus de Paris. Cette critique mise à part, mais aussi la mise en scène parfaitement inutile, le documentaire est riche en témoignages, souvent inédits. Un travail remarquable d'investigation et d'histoire. Algérie 1988-2000, autopsie d'une tragédie, Séverine Labat et Malik Aït Aoudia, Compagnie des phares et balises, 2005.