Le code pénal est la photographie d'une société à un moment donné de l'histoire. Il liste une série d'infractions dont la gravité se reconnaît à la peine dictée par le code. Au cours du développement de la société, certaines infractions deviennent désuètes et inapplicables. Au contraire, d'autres font jour et le législateur se voit amener à introduire de nouvelles dispositions pour pallier les injustices et rétablir l'ordre social. En France, uriner dans la rue était passible de sanctions. Aujourd'hui, cette disposition est devenue désuète du fait du peu d'infractions constatées. Est-ce l'émergence des toilettes publiques ? Peut-être. En tout cas, elle fait apparaître les mutations traversées par une société mais aussi les préoccupations du législateur dans l'établissement de l'ordre. Le législateur, qui peut, selon la Constitution, provenir du Parlement ou du gouvernement, prend l'initiative de créer un ordre nouveau par l'introduction d'une nouvelle loi. C'est souvent le cas en matière du droit du travail ou du droit administratif. Parfois, le législateur répond à une attente sociale forte et revient sur des dispositions qui aboutissaient à créer le désordre. Tel fut le cas en France, avec la loi Veil de 1975 : le législateur est revenu sur l'interdiction de l'avortement après avoir établi le constat concernant le nombre de décès de filles mères suite à des tentatives d'avortements clandestins. En Algérie, la photographie que nous offre le code pénal algérien a très peu changé depuis 10 ans. Bien au contraire, il semble encore plus décalé qu'avant. Depuis quelques années, de nombreux codes pénaux internationaux ont introduit la notion de crime contre l'humanité. On retrouve ces dispositions (torture, génocide…) en début de code pour marquer les primautés des infractions, histoire de surélever plus que tout autre type d'infraction. En Algérie, malgré la décennie noire, le livre premier est consacré au crime commis contre l'Etat (crimes et délits contre la chose publique). Les biens de l'Etat, les fonctionnaires de l'Etat, enfin tout ce qui tourne autour de l'Etat de près ou de loin. Les crimes contre les personnes, les messieurs tout le monde, sont relégués à la fin du code pénal. C'est dire toute la place dont dispose le citoyen dans le système répressif algérien. Les infractions de meurtre, de vol et de violence volontaires ne sont condensées que dans trois malheureux chapitres. Une place particulière est encore consacrée cependant dans le code pénal aux infractions d'adultère et d'avortement, avec des peines coercitives sévères. A l'heure où les accidents de la circulation font de nombreux morts, dont des enfants, quelle famille victime aujourd'hui peut dire : «l'automobiliste fou croule en prison» ? Quel citoyen peut affirmer que la personne qui l'a agressé est aujourd'hui incarcérée ? Les actes terroristes ou des faits de maltraitance sur mineurs semblent rentrer dans le cadre de l'acceptable tandis que les rassemblements ou manifestations sont automatiquement mis sous le coup de l'infraction de «mouvement insurrectionnel». C'est tout l'écart entre le citoyen et l'Etat. La jurisprudence dans l'équité Les systèmes répressifs sont lourds à se réformer. En France, le code pénal date de Napoléon et n'a jamais été totalement modifié. Des dispositions sont cependant introduites. A défaut, c'est le magistrat et ses assesseurs qui peuvent interpréter la loi de façon plus permissive ou au contraire plus fermée. En effet, les genres de crimes et de délits sont amenés à se multiplier et à varier à grande vitesse laissant les législateurs sur la touche. Peut entrer en jeu la jurisprudence. La France a ainsi connu de longs épisodes d'affaires judicaires, dont les victimes étaient des individus contaminés par le VIH. Aucune disposition pénale ne leur permettant d'appuyer leur demande en réparation, elles ont avancé l'argument juridique d'empoisonnement. Peu de juges leur ont donné gain de cause, donnant à la lettre de la loi un champ d'application plutôt restrictif. Ainsi va la jurisprudence, elle peut pallier des injustices lorsque l'infraction n'existe pas ou au contraire, faire une application à la lettre. Cela pousse souvent le législateur à intervenir. En Algérie, la jurisprudence ne joue pas ce rôle. L'interprétation des textes allant rarement dans le sens de l'équité sociale. On a même vu des magistrats prononcer des peines plus lourdes que celles requises par le procureur.