Distant de 27 km à l'ouest de Guelma, le village de Sellaoua Announa est niché à environ 900 m d'altitude, à quelques encablures de la RN20. Etrange et somme toute logique avatar (c'est-à-dire avec moins d'esthétique bien entendu) de l'antique cité de Thibilis, à quelques mètres de là les ruines se dressent encore malgré le travail destructeur du temps, il ne présente pas moins un bel aspect en cette saison. Repaire du froid et de la neige lors des frimas, presque chaque année, il est isolé du reste de la wilaya, comme il l'avait été en 2003, durant deux jours, la route y menant avait été bloquée par la neige. Aussi, l'on ne peut qu'être d'accord avec l'insistance des habitants quant à l'adduction du gaz de ville, dont la conduite traversant le territoire de la commune se trouve à 3 km du village. Et il faut convenir, avec le P/APC, que la commune doit être équipée d'un chasse-neige. Ce matin, une brise froide fouette les visages qui deviennent cramoisie. Des nuages de poussière s'élèvent d'une carrière dont les engins effritent le mont rocheux surplombant le village, et saupoudrent ce dernier avec tout ce que cela comporte comme dangers. Dans un café, face au siège de l'APC, des gens jouent aux dominos de bon matin. A notre entrée, ils lèvent des yeux interrogateurs, nous dévisagent un moment puis se remettent à leur jeu, avec plus d'enthousiasme. D'autres déambulent dans les ruelles escarpées, et d'autres encore lézardent, le dos au mur, chauffant leurs os au soleil matinal. Du village, la campagne présente une vue splendide, imprenable. Des mamelons, des oueds et des montagnes forment un décor superbe, figé, de carte postale, que rend vivant l'odeur de la terre récemment labourée, difficilement retournée à cause de la sécheresse ; d'autres parcelles sont encore en chaume dans lesquelles les cheptels peinent à trouver de quoi brouter. Mais cette belle grisaille promet ou laisse deviner la saison hivernale, après, bien sûr, un hiver rigoureux. Cependant, la commune, qui s'étend sur 86 km2 et qui compte environ 3200 habitants, est pratiquement inaccessible depuis les 13 et 14 novembre 2004, du fait des glissements de terrain dus aux abondantes pluies, de l'affaissement en plusieurs endroits de ses deux seules routes par lesquelles on y accède. Si la RN 20 reliant Guelma à Constantine fait activement l'objet de réfection en plusieurs endroits, la bretelle de 4 ou 5 km, menant au village, complètement défoncée, reste toujours en l'état. Et puis la route communale joignant Sellaoua Announa à Aïn Makhlouf, d'une douzaine de kilomètres, depuis cette date, est coupée en plusieurs endroits, surtout au niveau de la limite entre les deux communes. Mais côté Sellaoua Announa, trois endroits sont à peine praticables, et un ouvrage d'art (petit pont) est à refaire. Avec les moyens du bord, les services de la commune, avec surtout l'aide des engins de la carrière, ont retapé ce qu'ils ont pu retaper, mais les glissements de terrain sont terriblement importants. Ce sont carrément des pans entiers de terre qui ont dégringolé dans les oueds. Des chemins ont été rouverts au beau milieu des remblais. Cependant, comme le nous dira Kamel Bouhmam, P/APC, qui se démène comme il peut pour parer au plus pressé, « à la moindre chute de pluie, cela risque de s'effondrer à nouveau ». Il faut dire que les véhicules ne peuvent pas passer, sauf si certains chauffeurs veulent prendre des risques. Voilà une année d'attente sans que rien ne soit fait, alors même que la plupart des fellahs ont regagné leurs mechtas, après les avoir désertées durant plusieurs années à cause du terrorisme. Les pistes menant aux différentes mechtas sont quant à elles dans un état de dégradation total, elles nécessitent une réfection, voire carrément une réouverture. En dehors de la RN 20, qui est très fréquentée, l'ouverture d'une autre piste, (au fait, pourquoi pas une route puisque le tracé existe depuis l'époque coloniale ?) s'impose, menant vers le chef-lieu de daïra, Aïn Hassaïnia, par la mechta Bordj Ben Selmane et autres, d'autant plus qu'il ne reste pour l'atteindre (le chef-lieu de daïra) que 4 km. Commune des amandiers vieillissants Des 3448 ha que constitue la superficie agricole utile, les céréales se taillent la part du lion, soit 1670 ha, mais, si, aux alentours du village et principalement aux abords de la RN 20, vous voyez des sachets d'amandes exposés à la vente, c'est que Sellaoua Announa est la commune des amandiers par excellence. Ce sont 95 ha d'amandiers, soit 150 arbres par ha. Plantés au début des années 1970, les vergers vieillissent, ils étaient aux mains des EAC, après la dénationalisation ils sont revenus à deux propriétaires. Selon les responsables de l'agriculture, bien que le fonds du FNDRA soit disponible, l'on ne se presse pas de le solliciter pour le rajeunissement des vergers. Cette année, qualifiée de bonne, le rendement était de 12 q/ha, l'année précédente, la production était nulle, selon le responsable de l'agriculture de la commune, à cause d'une maladie engendrée par un puceron. Des routes et des pistes coupées ou affaissées depuis 2004 et pour couronner le tout, le vol de bétail fait des ravages à travers la commune. Ainsi, après les terroristes, les voleurs se remettent au travail. Les éleveurs non armés sont livrés à eux-mêmes, c'est-à-dire aux malfrats qui leur font voir de toutes les couleurs. L'exode rural engendré par les sévices du terrorisme avait fait déserter plusieurs mechtas d'environ 425 familles, des mechtas comme Gabel-Lehnada, Kharrouba, Touffi et Béni Achour, enfin, celles situées sur les contreforts de la Mahouna (1411 m). Revenus à leurs fermes, certains éleveurs demandent la restitution de leur fusil de chasse pour se défendre contre les voleurs, du moins les dissuader de commettre leur forfait. Cependant, il reste beaucoup à faire dans la campagne en vue d'inciter les habitants à revenir à leurs pénates. Dans la mechta d'El Hammama, la salle de soins et l'école primaire de trois salles de classe sont fermées depuis 1995 à cause du terrorisme. L'année dernière, on voulait rouvrir l'école pour treize élèves, la direction de l'éducation avait alors commencé sa réfection, mais les travaux ont été subitement arrêtés. Pourquoi ? Les 20 logements d'un village socialiste agricole, dans la mechta de Aïn Ghorab, dont hormis deux ou trois qui sont habités, avaient été désertés par leurs habitants depuis la nébuleuse terroriste ; ils sont aujourd'hui, selon le P/APC, qui a fait intervenir le CTC, inhabitables, bon à démolir. Chef-lieu de commune depuis 1957, le village de Sellaoua Announa, qui compte un peu plus de 2000 habitants, n'a pas de foncier propre à lui. Il est entouré de terres privées, si bien que, depuis l'indépendance, les premiers 10 logements sociaux ont été construits en 1995. C'est difficilement qu'il a pu se doter récemment de 20 ha, fruit d'un litige l'opposant à un propriétaire terrien. On a construit une brigade de gendarmerie, 10 logements, qui vont bientôt être distribués, pendant que les travaux de construction de 30 autres ont été lancés. Pour les 10 logements réceptionnés, il y a 102 demandeurs. Cependant, aussi bizarre que cela puisse paraître, l'APC est en quête de demandeurs d'habitats ruraux. De fait, ayant bénéficié de 72 logements en 2005, la commune a distribué 58, il en reste 14 en instance, et jusqu'alors il y a juste 7 demandeurs. Sans foncier ni ressources Une commune pauvre, qui n'a pas de foncier ni de ressource et qui vit avec la subvention d'équilibre pour boucler ses comptes. Sous d'autres cieux, rien qu'avec la cité antique de Thibilis, elle vivrait à l'aise grâce au tourisme. Mais cela est une autre affaire. Pour le moment, elle a juste une régie de transport composée d'un bus série 85, d'un minibus et de deux J9, qui, en dehors du transport scolaire, font la navette Sellaoua Announa-Oued Zenati, et Sellaoua Announa-Guelma. Cela lui rapporte annuellement, avec le loyer de quelques locaux, 1,5 million de dinars, alors que la masse salariale s'élève à 7 millions de dinars. A défaut de statistiques récentes, celles de 2004 indiquent qu'il y a 300 chômeurs ; pour certains c'est peu, mais eu égard au nombre d'habitants, cela n'est pas moins sérieux. Les élus font des acrobaties arithmétiques en réaménageant le quota de postes attribué dans le cadre de l'emploi de jeunes en vue de faire travailler le maximum de demandeurs. Ainsi, des 14 postes octroyés pour 5 mois chacun, ont fait travailler 30 jeunes pour trois mois chacun. Parmi ces derniers, on compte 28 filles. Le salaire mensuel étant de 2270 DA, les jeunes garçons préfèrent le filet social, qui lui attribue 3000 DA le mois. Le nombre de jeunes (garçons et filles) est de 54. On compte 6 demandeurs en instance. Oui, il n'y a pas de débouchés dans ce village, aussi certains disent que cela pousse beaucoup de jeunes à s'engager dans les corps constitués, et notamment dans les services de police. Par ailleurs, pour caser quelques jeunes au chômage, l'APC a fait aménager 15 locaux dans l'ex-Souk El Fellah, mais selon les décisions du gouvernement définissant les modalités d'exploitation de ces locaux, on doit passer par les institutions y afférentes, l'Ansej, l'Angem et la Cnac, en vue d'obtenir un certificat d'éligibilté à l'investissement et au bénéfice de certains avantages. Evidemment, c'est le parcours du combattant qui les attend. Normal avec cela que les jeunes ne fréquentent pas le centre culturel, dont l'existence est des plus mitigées, comme beaucoup d'autres à travers le pays. D'aucuns disent que c'est par là que Khalida Toumi aurait dû commencer : récupérer les centres culturels, base de tout rayonnement dans ce domaine, dont l'importance n'est jamais assez relevée. En effet, si le centre en question dépend de la commune, les travailleurs, eux, deux animateurs culturels, dont un directeur, et un agent administratif, font partie de la direction de la jeunesse et des sports. Où est la culture là-dedans ? Lors de notre visite, le centre était vide, en dehors de quelques jeunes filles employées dans le cadre du filet social. Seuls, les jeunes écoliers viennent en quête de livres de contes, dont, bien entendu, naturellement, ils raffolent. Des lycéens y font un tour, mais la bibliothèque ne peut rien leur offrir. Il est dans un état lamentable, nécessitant d'urgence une réfection, surtout concernant l'étanchéité et le mur d'enceinte, ainsi qu'un grand coup de pinceau. Un détachement militaire a séjourné durant 2 ans, entre 1995-1997. Le centre de santé est logé à la même enseigne. Il a un problème d'étanchéité, son plafond devient une passoire quand il pleut. Depuis un mois, le médecin et le dentiste viennent deux fois par semaine, certains habitants souhaitent qu'ils soient présents quotidiennement. D'autant plus qu'il n'y a aucun cabinet médical privé. Etrange, dans ce beau village, bâti sur les hauteurs, l'on signale une maladie chronique assez répandue par rapport au nombre d'habitants, nous parlions de 30 malades souffrant de l'hypertension artérielle. Enfin, nous avons évoqué Thibilis, cette petite cité du haut empire romain, située un peu en contrebas du village. Sur un plateau de 25 ha surplombant un oued par un long escarpement rocheux, dans ce paysage grandiose, se trouvent les ruines de l'antique cité. L'on voit les vestiges de trois arcs de triomphe, d'un forum avec un capitole et de deux églises, ainsi que les restes d'une forteresse byzantine. Un projet de restauration et de mise en valeur de la cité, ou du moins de ses parties les plus importantes, a été initié. L'étude a été effectuée en 2004. Reste la réalisation du projet devant coûter un peu plus de 90 millions de dinars.