Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
28 000 cancéreux sur la liste d'attente pour la radiothérapie Hamida Kettab. Présidente de l'association El Amel d'aide aux personnes atteintes de cancer
Le gouvernement algérien doit se pencher sur le dossier des cancéreux afin d'en sauver certains et de permettre à ceux qui n'ont plus de chances de guérison de mourir dans la dignité. - Quels sont les principaux obstacles auxquels se heurtent les cancéreux en Algérie ? En Algérie, les cancéreux meurent tous les jours. Le cancer tue certes, mais la négligence des autorités tue à petit feu également. Le principal problème des malades est le manque de drogues de chimiothérapie au niveau des centres anticancer, et l'insuffisance des équipements de radiothérapie. Le Centre Pierre et Marie Curie de l'hôpital Mustapha Bacha souffre de pénurie de drogues vitales pour les malades de cancer depuis plus d'une année. Les patients se voient accorder des rendez-vous trois à six mois après la date de séance de chimiothérapie préconisée par le médecin. Nous avons d'ailleurs enregistré 28 000 cancéreux en attente d'un rendez-vous pour la radiothérapie. Tous les traitements initiaux peuvent paraître inutiles si la radiothérapie n'est pas enclenchée juste après les cures de chimiothérapie. Le malade peut attendre, mais le cancer n'attend pas ! Le 5-fluorouracil (5-FU) par exemple, nécessaire pour la chimiothérapie, notamment pour le cancer du sein, est en rupture de stock depuis plus de trois mois. Sachant qu'en Algérie, quatre à cinq femmes décèdent quotidiennement du cancer du sein. Ajouter à cela l'insuffisance du matériel de soins, le manque de manipulateurs du matériel en question dans le cas où il est disponible, l'absence de prise en charge et d'assurance à la Caisse nationale d'assurance sociale… dans l'indifférence totale du ministère de la Santé. Les cancéreux ne bénéficient d'aucune d'aide de l'Etat. Pire, ils sont contraints de passer les examens médicaux nécessaires dans des centres de soins privés, à défaut de place dans les hôpitaux publics. Quant aux patients venant des régions éloignées, les frais de transport et d'hébergement alourdissent le coût des soins qui varie, en moyenne, entre 450 000 et 600 000 DA pendant tout le traitement ! - Quelles sont les raisons de ces pénuries récurrentes ? Depuis le début des pénuries, nous avons tenté toutes les voies pour signaler et dénoncer la négligence dont font l'objet des milliers de malades. Aucune explication plausible n'a été fournie par le ministère de la Santé, si ce n'est des promesses de projets et de création de centres anticancer (CAC). Où sont les 17 CAC promis depuis 2001 ? Le ministre parle de 57 CAC en cours de réalisation. Quelles sont les échéances ? Au niveau de l'hôpital, tout le monde se rejette la balle. La Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) dit ne plus avoir les moyens de se procurer les médicaments et les substances en question, car les hôpitaux n'honorent pas régulièrement leurs factures. Du côté des hôpitaux, les chefs de service affirment avoir établi la liste des prévisions depuis novembre 2010, et ce serait la pharmacienne de l'hôpital qui n'aurait pas soumis la demande à temps. Le problème n'est pas d'ordre financier, c'est un problème de gestion. Les responsables concernés n'ont toujours pas pris conscience que tout retard accusé dans la réception des substances et des matériels relatifs aux soins contre le cancer se répercute sur la santé du malade. - Que proposez-vous pour faire face à cet état de fait ? Nous avons besoin de mesures urgentes, car le cancer gagne du terrain. Le ministère annonce des projets de création de CAC, promet d'accorder des agréments aux centres de soins privés afin qu'ils puissent se doter du matériel nécessaire pour la lutte contre le cancer, mais dans l'immédiat, des milliers de malades souffrent cruellement du manque de prise en charge. Les autorités compétentes devraient délivrer les autorisations d'importation d'urgence pour les médicaments manquants. En outre, l'importation des médicaments ne doit pas obéir aux mêmes lois que celles qui régissent l'importation du ciment ou du blé ! Le crédoc de la LFC 2009 nous pénalise beaucoup ! Or, il y va de la vie des cancéreux. J'insiste sur la nécessité du diagnostic précoce de la maladie, notamment le cancer du sein qui demeure le plus élevé en Algérie. 10 000 femmes en sont atteintes chaque année avec 3500 décès recensés. Par ailleurs, certains patients en phase finale se voient renvoyer chez eux pour «finir leurs jours». Or, ces malades devraient être placés dans des centres de soins palliatifs avec tous les moyens essentiels dont les antidouleurs, tels que la morphine qui se fait rare chez nous. Le gouvernement algérien doit se pencher sur le dossier des cancéreux afin d'en sauver certains et de permettre à ceux qui n'ont plus de chances de guérison de mourir dans la dignité.