Nabni : un réseau d'économistes, d'universitaires, de chefs d'entreprise, de médecins et de simples fonctionnaires qui élaborent un programme documenté et ciblé visant à améliorer le quotidien des Algériens. Leur premier objectif : produire 100 mesures précises à proposer au gouvernement le 5 juillet prochain. Cette initiative citoyenne et indépendante suscite autant d'engouement que des réserves. Qui sont-ils vraiment et à quelle logique répond leur démarche ? Le besoin de changement, sur toutes les lèvres depuis le début de l'année, est peut-être tombé dans les oreilles sourdes de l'Etat, mais pas dans celles de certains acteurs de la vie économique algérienne. Emeutes, immolations par le feu, mutilations, sit-in, grèves, marches, la société est au bord de l'explosion. Les politiques dressent des constats, le Président, lui, poursuit des consultations en vue de réformes auxquelles personne ne croit vraiment. Le changement tant espéré ne cesse d'être repoussé. Des universitaires, des chefs d'entreprise, des experts économistes, des médecins et de simples fonctionnaires se sont regroupés autour d'une initiative citoyenne indépendante lancée le 13 avril dernier : Nabni, qui veut justement précipiter ce changement. Leur objectif n'est pas des moindres : «construire une Algérie nouvelle.» Nabni, c'est une vingtaine d'hommes et de femmes qui prennent de leur temps et de leur argent pour l'élaboration de mesures à proposer au gouvernement le 5 juillet prochain. Pour ce faire, une démarche scindée en deux programmes a été adoptée : Nabni 2012 portant sur 100 mesures concrètes et réalisables à court terme et Nabni 2020, consistant en la préparation d'un plan prospectif à l'horizon 2020 visant des réformes beaucoup plus stratégiques à lancer dans un second temps. «Nabni est une force de proposition pragmatique qui veut dépasser la critique et le simple constat pour apporter de véritables solutions aux besoins des citoyens algériens», précise Abdelkrim Boudraâ, porte-parole et membre du comité de pilotage de l'initiative. Un premier think tank en Algérie ? Dix propositions de mesures sont rendues publiques chaque mercredi depuis le lancement de l'initiative. L'objectif étant de réaliser les 100 mesures proposées avec un plan de mise en œuvre détaillé pour chacune d'elles, à la date symbolique du 5 Juillet 2012, année du cinquantenaire de l'indépendance. Ces mesures ont toutes un point commun : elles peuvent être réalisées en une année. Elles ciblent des problèmes précis auxquels des solutions minutieusement planifiées sont proposées, comme pour bien montrer du doigt la simplicité avec laquelle on peut répondre aux attentes des Algériens. L'échec des institutions de l'Etat dans ce domaine est justement cuisant. La santé, l'université, l'économie, l'administration sont autant de domaines qui souffrent actuellement de nombreux problèmes. Nabni propose des solutions à quelques-uns d'entre eux. Ainsi, si ce réseau résiste au test du 5 juillet, il serait le premier think tank à se formaliser en Algérie. Selon sa définition littérale, un think tank, concept anglo-saxon, est un «réservoir de pensées», une organisation indépendante, réunissant des experts voués à la recherche d'idées nouvelles en vue de peser sur les affaires publiques. Quelle place le système politique algérien peut bien réserver à ce genre de forces de proposition ? Leur absence constatée jusque-là sur la scène publique est en soi une réponse. Mais les politiques ne sont pas les seuls à décourager l'émergence de ce genre d'initiatives. Doutes et scepticisme C'est sur Internet que s'élabore leur plate-forme d'actions : le site Nabni.org retient les propositions et commentaires des internautes intéressés par cette initiative. Ils sont nombreux. Près de 65 000 visites ont été enregistrées depuis deux mois. Certains adulent, d'autres se montrent curieux, mais avec beaucoup de réserve, d'autres encore décrient et l'accusent, sans équivoque, d'être manipulée politiquement sans pour autant donner d'arguments. Le scepticisme ambiant gagne même les esprits les plus ouverts au changement. La question qui revient souvent, en parlant de Nabni est la suivante : qui sont-ils vraiment et à quelle logique répond leur démarche ? Ils sont quatre à gérer le comité de pilotage de ce réseau qui se dit ouvert à toutes les participations : Najy Benhassine, économiste, Abdelkrim Boudra, directeur d'un institut de formation et d'une société de conseil, Elies Chitour, économiste, et Rostane Hamdi, consultant en organisation, management et stratégie. Mais le groupe de travail s'élargit à plus d'une vingtaine de personnes activant en Algérie et à l'étranger. C'est justement parce que le réseau Nabni se place dans le vide laissé par les partis politiques – en manque de propositions concrètes – qu'il suscite beaucoup de retenue et d'interrogations. Et pourtant, les initiateurs de Nabni, qui entrent incontestablement dans le terrain glissant du politique, ne manquent pas de préciser que cette contribution «est non partisane et qu'elle n'aspire qu'à renouer le lien rompu entre dirigeants et dirigés». «Nous voulons formuler des propositions pertinentes et documentées que les partis politiques et les institutions de l'Etat pourront s'approprier librement. Nous ne demandons rien en retour et nous nous impliquons dans les affaires du pays que par souci de patriotisme», précise encore Abdelkrim Boudraâ. Une initiative trop belle pour être vraie ? Leur réponse est unanime : «Que ceux qui doutent de nous attendent de voir pour juger.» Le gouvernement leur laissera-t-il justement l'occasion de faire leurs preuves ? Réponse le 5 juillet prochain.