Il était tout de même curieux de connaître la situation qui prévaudra dans les Balkans après la série de guerres, la dernière étant celle du Kosovo, une province serbe au moins jusqu'en 1999, date à laquelle les Etats-Unis et leurs alliés de l'Otan rappelaient le président yougoslave de l'époque, Slobodan Milosévic, à des obligations envers les populations de son pays, et plus spécialement la protection des minorités. Milosévic était alors le grand vaincu en perdant et son poste et ensuite sa liberté, puisqu'il est entre les mains du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) qui s'emploie à prouver ses accusations de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. Mais la Serbie y a beaucoup perdu et elle risque de perdre sa province si ce n'est déjà fait avec des frontières intérieures de fait et l'émergence de blocs de populations ethniquement homogènes. C'est dire qu'un vote quel qu'il soit ne laisse aucunement l'ombre du doute. Intervenant à ce sujet, le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica vient de réitérer son opposition à une indépendance du Kosovo et a déclaré qu'il était « dangereux » de modifier des frontières dans les Balkans. M. Kostunica s'est prononcé une nouvelle fois pour une large autonomie du Kosovo, province du sud de la Serbie peuplée à 90% d'Albanais qui revendiquent l'indépendance. « Il est dangereux de faire des expériences avec les frontières dans les Balkans. Une solution doit être trouvée avec les frontières existantes et avec un degré élevé d'autonomie prenant en compte les droits de toutes les entités ethniques » au Kosovo, a déclaré le Premier ministre serbe. Les pourparlers directs sur le statut du Kosovo entre Belgrade et Pristina devraient débuter en janvier prochain. Le Kosovo se trouve depuis 1999 sous administration de l'ONU et une force multinationale dirigée par l'Otan, la KFOR, y est déployée. M. Kostunica a indiqué que l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, le Finlandais Martti Ahtisaari, avait encouragé Belgrade à effectuer des consultations avec ses voisins sur le statut du Kosovo. La Bulgarie offre ses bons offices pour le dialogue entre Serbes et Kosovars. Elle a accueilli le 9 décembre le ministre de la Culture de Serbie, Dragan Kojadinovic, et le ministre des Institutions provisoires du Kosovo, Astrit Haracia, pour des discussions sur la restauration du patrimoine culturel de la province. Le ministre bulgare des Affaires étrangères, Ivaïlo Kalfin, s'est rendu début décembre à Belgrade et à Pristina, principale ville du Kosovo. Le futur statut du Kosovo doit être évoqué lors d'une visite à Sofia du ministre albanais des Affaires étrangères, Besnik Mustafaj. Mais est-ce que la question n'a pas été déjà réglée, mettant la région devant le fait accompli ? Rien en effet n'est moins évident, avec cette crispation, voire cette cristallisation du sentiment nationaliste dans cette province dont la voie vers l'indépendance ne serait entravée que si elle voit son avenir se confondre avec celui de l'Albanie voisine, autrement, une fusion. Par ailleurs et pour la première fois, cinq paramilitaires de Serbie, impliqués dans le massacre de Srebrenica en juillet 1995, vont être jugés à Belgrade, alors qu'une grande partie de la population serbe met encore en doute la réalité de la tuerie. Membres de la redoutable unité paramilitaire « les Scorpions », Slobodan Medic, Pero Petrasevic, Aleksandar Medic, Branislav Medic et Aleksandar Vukov ont été inculpés début octobre par le procureur spécial pour crimes de guerre pour avoir participé à l'exécution, enregistrée sur vidéo par l'un d'entre eux, de six musulmans de Srebrenica. Ils sont accusés d'avoir exécuté le 17 juillet 1995, près de la ville de Trnovo (Bosnie-Herzégovine), six musulmans faits prisonniers lors de la prise de Srebrenica, en Bosnie orientale, par les forces des Serbes bosniaques. Les noms de deux autres membres de l'unité paramilitaire sont mentionnés dans l'acte d'inculpation, mais l'un, Slobodan Davidovic, est actuellement jugé à Zagreb pour crimes de guerre tandis que l'autre, Milorad Momic, est en fuite. Les Scorpions, selon le procureur du TPI de La Haye, étaient sous contrôle de la sécurité d'Etat serbe. La vidéo de l'exécution a été montrée en juin dernier à La Haye au procès de Slobodan Milosevic. Le procès des six paramilitaires serbes intervient alors que les autorités serbes ont récemment été vivement critiquées par la procureur du TPI, Carla Del Ponte, pour n'avoir pas encore arrêté les deux principaux accusés du massacre de Srebrenica, l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, et leur chef militaire, Ratko Mladic, en fuite depuis leur inculpation pour génocide par le TPI en 1995. Toutefois, apprend-on, l'Otan a indiqué avoir perquisitionné mardi deux sociétés bosniaques dont les propriétaires sont soupçonnés d'appartenir au réseau de soutien de Ratko Mladic. Des soldats de l'Otan ont perquisitionné une société de vente d'équipements et d'armes de chasse ainsi qu'une usine de meubles à Vlasenica, dans l'est du pays. La communauté internationale estime que Mladic se cacherait en Serbie et à Karadzic dans les territoires bosniaques, majoritairement peuplés de Serbes, ou au Monténégro voisin. Cette opération est intervenue deux semaines après l'arrestation en Espagne du général croate Ante Gotovina, inculpé de crimes de guerre pour son rôle dans la guerre serbo-croate de 1991 à 1995. Le procureur en chef du TPI, Carla Del Ponte, a dénoncé le 15 décembre devant le Conseil de sécurité de l'Onu de « graves manquements » de la communauté internationale dans la recherche de Mladic et de Karadzic, ainsi que le manque de « volonté de coordonner diverses activités et de partager les informations les plus élémentaires ». Mme Del Ponte s'est gardée d'être précise dans ses accusations, alors même que c'est ce qui est attendu d'elle. Cette communauté internationale aujourd'hui en accusation a aussi le droit de savoir ce qui s'est réellement passé dans cette région du monde.