Ce professeur associé à California University, maître de conférences à Sciences Po, Paris, et chercheur à l'IRIS, souligne dans cet entretien que «le souverain marocain conserve l'essentiel de ses attributions et de ses pouvoirs régaliens». -Le roi du Maroc, Mohammed VI, a annoncé une série de réformes de la Cconstitution. Qu'en pensez-vous ?Les réformes annoncées par le roi sont une étape vers des changements plus importants. Naturellement, ce n'est pas une révolution, mais honnêtement qui pouvait s'y attendre ? Sur le fond, le souverain conserve l'essentiel de ses attributions et de ses pouvoirs régaliens. La haute main sur la diplomatie, l'armée, l'intérieur, la justice et les affaires religieuses. En guise de séparation des pouvoirs, on assiste plutôt à une répartition des pouvoirs. Avec beaucoup d'habileté, le roi accorde plus de marge de manœuvre au Premier ministre et ce sera ce dernier qui devra descendre dans l'arène politique et faire face à la société et aux partis. Le monarque se place au-dessus de la mêlée et demeure un arbitre, un recours, un rôle que son père, Hassan II, affectionnait particulièrement. -La nouvelle constitution marocaine ne consacre pas le système d'une monarchie parlementaire, comme souhaité par l'opposition notamment le mouvement du 20 février. Le roi ne lègue pas tous ses pouvoirs, on parle d'ouverture contrôlée. Quelle est votre analyse? En effet, on passe d'une «monarchie absolue à une monarchie intouchable», le nouveau texte fondamental rappelle l'«inviolabilité de la personne du roi et le respect qui lui est dévolu». Par ailleurs, le référendum, prévu le 1er juillet, laisse peu de temps aux partis, associations et ONG, pour expliquer le texte plus long que le précédent, 180 articles au lieu de 108, et faire campagne dans de bonnes conditions. Il est peu probable que le projet de Constitution soit rejeté, l'enjeu principal sera dans le taux de participation qui donnera un indicateur de l'adhésion des Marocains à la proposition royale. -Entre une Tunisie engagée dans un processus démocratique et un Maroc qui opte pour des réformes jusque-là inattendues, en Algérie rien ne semble bouger. Quels impacts de tels changements peuvent avoir sur l'Algérie ? Tout d'abord je ne crois pas que l'on puisse dire que rien ne se passe en Algérie. Vous savez, il n'y a pas de génération spontanée, la politique c'est d'abord le fruit d'une éducation et de pratiques. Les rassemblements, les manifestations et les débats sont autant d'occasions pour ceux qui s'engagent de se confronter à d'autres points de vue et apprendre à les respecter. La politique ce n'est pas tout ou rien. C'est l'art du compromis. Par ailleurs, le traumatisme vécu par la société, dans les années 1990, est encore très présent et les craintes de dérapages ou de manipulations très vivaces.L'Algérie n'échappera pas aux évolutions en cours dans le monde arabe. Il est impossible de dire, à ce stade, quels seront les contours de ces changements, ni quelles formes ils peuvent prendre. -Comment analysez-vous la réaction du pouvoir algérien face aux attentes de changement ? Quand on se penche de près sur les pratiques du pouvoir en Algérie et au Maroc, on se rend compte que, dans ce cas précis, il y a une convergence sur la manière dont les régimes en place procèdent pour tenter de conserver le contrôle du champ public. Mise en place de commissions de réflexion, qui consultent les partis, des experts, des associations ou des personnalités. Ensuite, ces commissions font des propositions pour des réformes qui connaîtront des fortunes diverses. Mais sur le fond, la question principale demeure celle de la légitimité des institutions, et cette question ne peut être tranchée que par la consultation libre et démocratique des citoyens.