Vraies réformes où effet d'annonce pour désamorcer la grogne sociale, alors qu'une journée d'action nationale pour plus de démocratie est programmée au Maroc le 20 mars ? Reste qu'il y a le coup de pouce de Washington. Le roi Mohammed VI a pris de court chez lui ses soutiens comme ses détracteurs, et les Etats-Unis ont en effet été les premiers à saluer jeudi les réformes annoncées par le roi du Maroc, en réponse aux manifestations qui secouent son royaume depuis le 20 février. “Les Etats-Unis se félicitent de l'annonce faite par le roi Mohammed VI, soulignant son engagement au développement démocratique par des réformes constitutionnelles, judiciaires et politiques”, avait annoncé le département d'Etat américain, vingt-quatre heures après le discours de celui-ci à sa nation. Le communiqué de la Maison-Blanche précise par ailleurs que les Etats-Unis considèrent le Maroc comme “un partenaire stratégique important”. Dans son premier discours depuis que le vent du printemps arabe souffle sur ce pays à l'ouest de l''Algérie, Mohammed VI a promis de mener une réforme constitutionnelle rapide, qui attribuera les pouvoirs réels à un Premier ministre élu par le peuple. C'est une tendance qui se dégage dans les révolutions en cours dans l'ensemble du monde arabe quant à l'avenir politique et institutionnel de cet ensemble resté jusqu'à décembre 2010 figé à la traîne dans le monde en matière de droits de l'homme et de libertés. L'aggiornamento arabe inauguré par la révolution tunisienne se met en place, et les populations revendiquent toutes des systèmes parlementaires pour tourner la page des présidents providentiels devenus des dictatures. Même les principautés et royautés sont mises en demeure comme à Bahreïn, la Jordanie et le Maroc, pour se transformer en monarchie constitutionnelle, sur le mode espagnol. Mohammed VI a annoncé qu'une commission ad hoc allait s'atteler à préparer une “réforme constitutionnelle globale”, qui sera présentée pour approbation au peuple marocain lors d'un référendum. Celui-ci, dont la date n'a pas été fixée, repose sur la reconnaissance constitutionnelle, pour la première fois, de la composante berbère amazighe, le “renforcement du statut du Premier ministre” et “la volonté d'ériger la justice en pouvoir indépendant”. Le Premier ministre sera nommé, selon la prochaine Constitution, au sein du “parti politique arrivé en tête des élections” de la première chambre du Parlement, et non plus désigné par le souverain. C'est une demi-rupture avec un passé pointé du doigt par les manifestants marocains, dont les rangs n'avaient cessé de grossir. C'est tout de même un début de réponse à leur exigence politique fondamentale, par ailleurs accompagnée par une vague de satisfaction à Casablanca. Pour les manifestants, la vigilance reste cependant de mise, car, si Mohammed VI manifeste une ouverture, il ne rompt pas totalement avec la monarchie exécutive. En fait, il n'instaure pas une monarchie parlementaire, mais prévoit, selon des constitutionnalistes marocains, “une monarchie équilibrée” avec un partage du pouvoir entre le roi et un gouvernement issu du Parlement. Mohammed VI a en outre décidé d'inscrire, dans le cadre de sa réforme constitutionnelle “globale”, le processus de régionalisation dans le royaume, avec en tête les provinces du Sahara marocain (Sahara occidental). Sur cette question, on le voit, le roi n'a pas changé d'un iota. Au Sahara occidental, sa guerre se poursuit. Paris, principal soutien de Mohammed VI dans son aventure colonialiste, a salué un discours “majeur, responsable et courageux” pour le Maroc comme pour l'ensemble de la région, et particulièrement dans le contexte actuel.