Une des mesures phares annoncées par le souverain marocain consiste en la désignation d'un Premier ministre issu du parti qui aura remporté les élections législatives. La révolution marocaine sera de velours. Ainsi en a décidé le roi. Les revendications des manifestants, qui ont battu le pavé le 20 février, sont-elles satisfaites? L'article 19 de la Constitution, qui met tous les pouvoirs entre les mains de la monarchie et du roi, ne devrait pas être amendé a indiqué la présidente de l'Association marocaine des droits de l'homme. «C'est une Constitution dans la Constitution: c'est l'article le plus contesté par ceux qui veulent une Constitution démocratique. S'il n'y a pas de changement à ce niveau, il n'y aura pas de vraie démocratie», souligne Khadija Ryadi. La présidente de l'Amdh rend hommage aux jeunes manifestants qui ont acculé le pouvoir à mettre en oeuvre des réformes «qui répondent aux aspects très critiques de la Constitution actuelle». C'est à l'occasion d'un discours adressé à la Nation que le souverain chérifien a annoncé un projet de réforme constitutionnelle qui devrait révolutionner le système de gouvernance. «Aussi, avons-Nous décidé, dans le cadre de la réforme institutionnelle globale pour laquelle Nous nous sommes attaché, dès Notre accession au Trône, à créer les conditions propices, de faire en sorte que la consécration constitutionnelle de la régionalisation puisse s'opérer selon des orientations fondamentales...», a déclaré le roi. Cette réforme devrait s'appuyer sur sept fondements dont «la consécration constitutionnelle de la pluralité de l'identité marocaine unie et riche de la diversité de ses affluents, et au coeur de laquelle figure l'amazighité, patrimoine commun de tous les Marocains, sans exclusive...la consolidation de l'Etat de droit et des institutions, l'élargissement du champ des libertés individuelles et collectives et la garantie de leur exercice», l'élévation de «la Justice au rang de pouvoir indépendant», le renforcement des «prérogatives du Conseil constitutionnel». Le futur Parlement sera «issu d'élections libres et sincères» d'où émergera un gouvernement élu, émanant de la volonté populaire exprimée à travers les urnes», précise le message du souverain alaouite-une des mesures phares de la nouvelle Constitution-Mohammed VI vient-il de poser les jalons d'une monarchie constitutionnelle? «Ce discours rompt avec la monarchie exécutive. Il n'instaure pas une monarchie parlementaire, mais il prévoit une monarchie équilibrée avec un partage du pouvoir entre le roi et un gouvernement issu du Parlement», explique le politologue marocain Mohamed Darif sur le site du quotidien français Libération. «C'est extrêmement nouveau et ça va extrêmement loin. C'est relativement formidable à l'échelle du Maroc... Toutes ces choses étaient en maturation et il fallait un déclencheur. Mohammed VI a utilisé, au bon sens du terme, les manifestations du 20 février pour booster certains projets qui étaient bloqués depuis plusieurs années et remettre en phase le cadre politique et juridique du pays avec ce que les Marocains ont en tête», estime Jean-Noël Ferrié, spécialiste du Monde arabe et directeur de recherche au Cnrs, cité par Le Monde.fr. Washington, Madrid, Londres et Paris ont salué cette réforme. «A travers les mesures ainsi consenties, Votre Majesté manifeste son souci constant d'être à l'écoute de son peuple et de ses aspirations et Sa volonté de conduire une évolution paisible...», a écrit Nicolas Sarkozy dans un message adressé au souverain marocain. Mohammed VI a pris tout le monde à contre-pied. «Nous nous sommes constamment refusé à céder à la démagogie et à l'improvisation...», avait-il déclaré, le 21 février, au lendemain de manifestations à travers les principales villes du Royaume qui ont appelé le roi à «régner et non gouverner». Près de 20 jours plus tard, le monarque jette du lest. Cela suffira-t-il pour apaiser les tensions? Le peuple marocain jugera.