On est nombreux en Algérie à suivre, non sans envie, les poussées d'adrénaline à Casablanca, Rabat, Tanger et Nador. Depuis quelques mois, on a pris rendez-vous chaque dimanche avec ces fringants jeunes du 20 Février, qui ont réussi, avec une incroyable audace, à commettre, pour de vrai, un crime de lèse-majesté. Vouloir remettre le monarque alaouite à sa place, celle d'un souverain qui règne mais qui ne gouverne pas. C'en est, en effet, une formidable aventure que mènent ces jeunes qui ne veulent plus être des sujets corvéables à merci. Le makhzen, jadis intouchable dans sa carapace, montre désormais des signes de panique malgré l'appui sans réserve de Paris qui se charge de «vendre» un royaume libre et moderne, et où il ferait bon vivre… Mais cette littérature distillée par certains médias français intéressés, et assumée par l'Elysée, sonne faux chez la majorité des Marocains qui ne font pas partie de la jet-set de Casa. Ces derniers captent mieux les mots d'ordre des jeunes du 20 Février, qui appellent à un Maroc libéré du joug du palais et où le souverain n'aurait plus le droit de vie ou de mort sur ses compatriotes. Dimanche prochain, ils seront encore des milliers de Marocains à défier les «baltaguis» de sa majesté pour dénoncer le marché de dupes qui leur est proposé, plutôt imposé via la réforme constitutionnelle. Forts de leurs convictions et armés de leur volonté, les jeunes du 20 Février vont refaire la démonstration de force pour signifier au palais que plus rien ne sera comme avant. C'est que, au Maroc, le mur de la peur s'est écroulé et la personne du roi est désacralisée par le fait d'une formidable vitalité d'une société civile digne des grandes démocraties. C'est à peu de choses près, l'exact contraire de ce qu'on observe en Algérie. Pendant que des dizaines de milliers de Marocains battent le pavé pour dire leur étouffement sous une monarchie absolue, des dizaines d'Algériens, qui réclament juste quelques avantages sociaux, faute de mieux, sont tabassées comme des malpropres sous la «république» de Bouteflika. Comble du paradoxe, la monarchie absolue chez nos voisins s'avère moins tyrannique que notre République. Chez nous, la chronique quotidienne est rythmée par la répression musclée de petits rassemblements, sur fond d'un décor détestable de longues files de fourgons antiémeute filant à toute allure comme si l'Algérie était en guerre. C'est curieusement cette Algérie complexée et étouffée que le ministre des Affaires étrangères tente, vainement, de présenter à l'étranger comme un parangon de la stabilité et du bien-être. Mais le cercle démocratique qui se dessine à Tunis et à Rabat risque de se refermer sur le régime d'Alger. Il s'en ira alors forcé, mais surtout sans gloire.