Cette histoire d'agressions d'Algériens et de touristes est l'œuvre des nostalgiques de Ben Ali, nous diront plusieurs Tunisiens. Avant de nous aventurer vers la frontière tunisienne, nous étions vraiment indécis pour aller passer des vacances dans ce pays voisin. Mais la coutume a pris le dessus, reléguant les informations tendancieuses au chapitre des rumeurs. Même notre appel à notre ambassade en Tunisie n'était pas pour nous encourager à entreprendre ce voyage. La dame qui a répondu à notre question : «Avez-vous reçu des plaintes de la part d'Algériens agressés en Tunisie ?», a rétorqué sans ambages : «Non, mais vous ne lisez pas la presse ?». Cette réplique n'avait rien de convaincant. A la frontière de Oum Tboul, il n'y avait pas foule. Les formalités policières étaient plus lentes à entreprendre du côté algérien que tunisien. Pas plus d'une dizaine de véhicules entrant en Tunisie étaient stationnées. Ce qui était différent des autres années, c'est le nombre impressionnant de voitures et de camionnettes de transport de voyageurs immatriculées en Tunisie qui allaient en Algérie. Renseignements pris, c'est le carburant algérien qui les attirait. Aussi, la seule fausse note, c'est quand la douanière nous a demandé des dinars. A notre refus, elle nous indiqua que nos compatriotes ont la largesse de la main. Boff ! Durant toute la descente vers Tabarka, nous restions silencieux, ayant en tête une probable agression. Au fur et à mesure que nous avancions vers Tunis, nos appréhensions se dissipaient. Les Algériens que nous avons croisé dans la capitale, à Nabeul, Klebia, Korba, Hammamet ou Ras El djebel n'ont eu vent des agressions que par ouie dire, mais n'ont jamais été victimes. C'est dire que la rumeur a pris de l'ampleur. Partout on nous accueillait par des : «Merhba ya dzaïr», ou bien «Rakou fi bledkoum», aucun écart de langage ni de la part des jeunes, ni des corps constitués, ni des vendeurs à la sauvette, ni de personne. Un sexagénaire tenant boutique de cosmétiques sur la grande avenue de Bourguiba nous confia que cette histoire d'agressions d'Algériens et de touristes est l'œuvre des nostalgiques de Ben Ali pour couler le pays, sachant qu'il dépend en majeure partie du tourisme. Il est vrai que les Algériens qui ont happé l'hameçon de la rumeur ont raté une belle occasion de passer de merveilleuses vacances à des prix cassés. La seule agression dont nous avons été victime, c'est celle d'un sanglier qui allait nous charger à la sortie d'un virage au niveau de la forêt de Tabarka. Pour le reste, ce n'est que du bluff. La réalité est tout autre, c'est que la plage était à nous tout seuls. Nous avons pris la route de nuit pour aller dîner à Klebia, au restaurant Le Marin, c'était fabuleux, tant pis pour les absents. Des agressions on n'en a pas vues, même entre Tunisiens. Nos parties de pêche, de jour comme de nuit, dans des endroits déserts ou sur des plages n'étaient que plaisir. Nous portions des fois des survêtements avec au dos Algeria ou El Djazair en arabe. On nous saluait avec respect. Vous dire que ceux qui se sont privés du tourisme en Tunisie ont eu tort, on répondra par… évidemment.