Ces dernières années les Algériens sont de plus en plus nombreux à se rendre en Tunisie pour leurs vacances d'été. Cette année encore, elle a été la destination de choix pour plus d'un million de nos compatriotes. Qu'est-ce qui les pousse ainsi à opter pour le pays de Ben Ali? Quelles en sont les vraies motivations? Et quels sont aussi leurs lieux de villégiature favoris? Samedi 26 août. Il est 7 heures du matin alors que nous descendions du véhicule d'un «fraudeur» assurant, comme des centaines d'autres, le trajet Annaba-Tunis. Il nous déposa en fait sur une place publique qui constitue le point de ralliement des touristes algériens. Là, vous ne risquez pas de vous perdre ou même d'être dépaysés tant des dizaines, voire des centaines de voyageurs sont là, mêlés aux clandestins dont l'activité, en ces mois de vacances, est des plus denses. Six heures auparavant, nous étions à Annaba, à attendre que le véhicule, qui devait nous acheminer vers Tunis, soit rempli. Il fallait occuper toutes les places, car la moindre place vacante valait le même prix que celle de trois autres passagers. Ce n'était pas notre cas, car, après une attente de trois heures, le quatrième passager arriva. C'est le départ vers la capitale tunisienne. Sur la route on ne ressent pas l'ennui tant le chauffeur, qui nous conduisait, avait le verbe aisé. Il avait parlé de tout, avec tellement de détails, que nous aurions pu nous contenter de ses commentaires pour rédiger un bon reportage. C'était lui qui nous avait appris où trouver, exactement, nos concitoyens. Selon lui, Sousse et Hammamet étaient les régions les plus prisées par les touristes algériens. Parmi ses confidences, nous apprîmes que ses clients sont de tout âge et se déplacent en groupe ou en famille. Karim, puisque c'est de lui qu'il s'agit, nous narrait avoir fait, deux fois par jour, ce trajet en haute saison, soit 24 heures de route, tant ce service lui était fructueux. A l'approche de la frontière algéro-tunisienne, il nous remettait de fiches d'identification de passagers, et nous demandait de les remplir avec soin, pendant que lui allait chercher des cafés destinés aux policiers et douaniers algériens. Chacun y trouvait son compte. «Je fais toujours comme ça car en contrepartie, on me facilite la tâche au passage», nous confiait-il. Mais aux douanes tunisiennes «c'est la «pièce» qui compte», précise-t-il. A ce niveau, le monnayage dépend de l'affluence du jour. Plus le flux est important, plus il faut donner. «Si je dois passer quatre heures, bloqué, je préfère donner une pièce pour activer les contrôles afin de revenir dans les délais», justifie-t-il. Cette politique est entrée dans les moeurs des voyages depuis que le nombre de voyageurs s'est multiplié. Il arrive, en effet, qu'on passe plus de six heures de temps pour traverser les deux postes de douane. «Les structures n'ont pas évolué avec le temps», regrette un voyageur habitué au va-et-vient entre les deux pays et qui préfère ignorer ce manège en attendant gentiment son tour. Grâce à la pièce et aux cafés, notre trajet a été des plus courts. A peine arrivés, sur place, des voyageurs, de retour au pays, se précipitent déjà sur le véhicule de Karim. Il a juste le temps de souffler avant de reprendre la route vers l'Algérie. Nous avons profité de cet instant de répit pour discuter avec quelques-uns d'entre eux. Rachid, la trentaine passée, est de Skikda. Il est venu en Tunisie plusieurs fois déjà, choisissant à chaque fois, une ville différente. Il nous précise: «Je préfère Sousse et Hammamet du point de vue qualités touristiques et animation de la ville.» Il vient ici en Tunisie pour essentiellement deux raisons. D'abord le prix. «Pour 40.000 dinars vous passez dix jours de rêve dans un hôtel convenable avec des commodités complètes mais, attention, si les tarifs sont inchangés ainsi que le nombres d'étoiles de l'hôtel, la qualité du service peut être totalement différente», précise Rachid, citant en exemple «l'hôtel El Hanna Beach où le service est médiocre, la nourriture désastreuse mais qui a en revanche une animation de haut niveau. En comparaison à l'hôtel El Mehdi à El Mahdia, 150 km plus loin, offre une qualité d'accueil irréprochable et un personnel souriant et attentif, des mets succulents et recherchés ; il propose, quant à lui, des activités peu intéressantes et qui s'adressent surtout à un public très jeune. C'est un hôtel, par excellence, familial», soutient-il, tout en saisissant son cabas pour aller prendre son siège pour le départ vers l'Algérie. Il ajoute: «C'est ici que je rencontre des ami(e)s en toute quiétude, hélas, c'est plus facile que chez nous où on refuse jusqu'à la location des chambres pour un couple non marié», regrette-t-il. Comme lui, ils sont des milliers à se rendre en Tunisie pour les mêmes raisons. A Sousse, nous avons abordé un autre Algérien de Tizi Ouzou. Il est venu en Tunisie pour rencontrer son amie qu'il a connue sur le Net. A la question de savoir pourquoi il ne l'invitait pas en Algérie, Salim répond: «Nous n'avons pas les mêmes commodités qu'ici». Il entend, par là, la liberté d'accès aux chambres, un service all line (boissons, repas services et animation compris dans le forfait de base), une diversité dans l'activité, à savoir salle de jeux, sport, pétanque, mini golf et surtout les sports de sensation. Plus loin, il indiquera que «chez nous les prix sont exorbitants». Son amie Karine, une Belge, renchérit «Le visa reste toujours difficile à obtenir pour l'Algérie et rien n'est fait pour rassurer les estivants quant à l'amélioration de la situation sécuritaire». Sousse et Hammamet A Sousse, nous n'avons pas rencontré beaucoup d'Algériens. Certains s'y sont rendus via des agences de voyages pour séjourner dans les hôtels, d'autres sont là en famille avec leurs véhicules et choisissent de louer des appartements ou des villas, déménageant leurs intérieurs pour un confort provisoire. «Un appartement revient moins cher», explique une dame venue de Blida. Nous avons rencontré la Blidéenne en train de marchander un cadeau-souvenir dans le souk de Sousse. «Il ne faut rien acheter ici c'est trop cher», avertit-elle, avant d'ajouter: «Quand je viens ici, c'est pour me reposer avec un minimum de dépenses». Une quinzaine de jours en Tunisie revient, approximativement, à moins de 60.000DA, apprenons-nous au cours de notre reportage. Outre les prix alléchants, les Algériens sont aussi attirés par ce désir de s'ouvrir aux étrangers. «Ici, on rencontre toutes sortes de nationalités et ethnies», explique Farid, entrevu a Hammamet, un endroit fort convoité aussi par nos concitoyens. Farid voyage avec son ami Ali qui vient chaque année dans ce pays de l'évasion «pour des rencontres très intéressantes», avoue le duo multilingue. Ici, il faut maîtriser toutes les langues pour pouvoir s'ouvrir aux cultures différentes. Nos amis du jour parlent donc l'anglais, l'allemand, l'italien et l'espagnol. Il en sont à leur dixième voyage et se targuent de connaître parfaitement la Tunisie dont ils vantent les mérites en matière de structures hôtelières et qualités de services mais, notamment, la liberté qui y règne. «Ce sont des prestations qui manquent cruellement chez nous», avoue Ali qui regrette que le secteur du tourisme ne bénéficie pas d'une aussi grande attention chez nous. Un sentiment que nous partageons volontiers si l'on considère le respect voué aux mouvements de tout un chacun. «Avec la nature et les sites naturels dont dispose notre pays, nous pouvons largement concurrencer n'importe quel pays», note-t-il à la fin. Avec les avantages pécuniaires que chaque partie y gagnerait. Idir, Khaled, Kheïra et les autre Nos compatriotes sont fort estimés ici en Tunisie. Même les autorités tunisiennes ont un grand respect pour nous Algériens. Partout où il y a de l'ambiance, il y a forcément des Algériens. La musique kabyle (Idir et Takfarinas) a largement sa place dans ce pays. Le Raï, aussi, à travers Khaled, Mami, Kheira et bien d'autres, dont les chansons et la musique font danser des milliers de touristes en Tunisie. Zaâma Zaâma de Takfarinas est la musique de prédilection d'un hôtel à Sousse. Dans les soirées musicales en discothèque, la chanson algérienne dans toutes ses variétés est présente en force au même titre que les Algériens. Même sur les bateaux-pirates, autre activité offerte aux touristes, on y danse au rythme de la musique kabyle. En fin de compte, ce sont les croisières organisées qui offrent la culture tunisienne aux touristes. Tous les choix sont importants. Les sites historiques tels Carthage, Sousse, Djem Elouad sont très appréciés pour leur histoire. Mais Kairouan et Monastir sont prisées pour leur commerce et leur négoce. Pour flâner, le Sud avec ses oasis et le port d'El Kantaoui est idéal. C'est le rêve à l'état pur, car on y retrouve des sensations fortes par le parachute ascensionnel ou la plongée sous-marine. Tout y est accessible entre 25 et 40 dinars tunisiens. En vérité, les Tunisiens sont des caméléons qui s'adaptent tant à la langue de ses visiteurs qu'au service demandé. Ils s'habillent avec aisance aux couleurs et au désir du touriste qu'ils devancent avec, pour juste espoir, un bon pourboire. L'Algérien apprécie en général cette douceur de vivre le temps, parfois, d'une esquive pour échapper au quotidien de la vie.