En laissant aux spécialistes le soin des méthodes et des techniques qui interviennent dans l'action de l'orientation, il est permis, a priori, de reconnaître toute la complexité du problème qui est à la fois pédagogique, économique, sociologique, psychologique et social. Partant de ce constat, on peut dire qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, de théorie ou de doctrine de l'orientation qui intègre tous ces aspects interdépendants de façon cohérente et qui apportent des solutions à tous les questionnements qui se posent. L'orientation scolaire obéit à des mécanismes précis que beaucoup de parents ignorent, car s'en tenant généralement à la moyenne générale obtenue par leurs enfants sans en déceler les corrélations factorielles qui en découlent. La première étape pour les élèves consiste à gagner « le billet de passage » en obtenant la moyenne requise, à savoir dix et plus calculée par une règle de trois, c'est-à-dire la moyenne obtenue au cours de la 9e année, ajoutée à la moyenne du BEF qui est multipliée par deux et divisée par trois. La deuxième étape se base sur les vœux émis par l'élève, en concertation avec les parents sur une fiche de vœux sur l'avis émis par les professeurs et le conseiller d'orientation scolaire et professionnelle (COSP). Toutes ces données sont analysées et synthétisées sur fiche de synthèse par le COSP et présentées à la commission régionale d'orientation qui siège, en principe, à la fin de chaque année scolaire. Il y a lieu de retenir aussi parmi certaines contraintes les capacités d'accueil des établissements devant recevoir les élèves de la circonscription englobant les CEM concernés. Si en amont le travail préliminaire du COSP se base essentiellement sur les moyennes et les notes obtenues et qui sanctionnent le rendement scolaire de l'élève, donc, ne prêtant pas à contestation, en revanche, les décisions prises par les membres de la commission d'orientation prêtent assez souvent le flanc au « subjectivisme » et ainsi, l'opération d'orientation tourne alors au « tri sélectif dirigé » de la part de chaque chef d'établissement concerné. Il est regrettable que le travail laborieux effectué pa le COSP devient aléatoire et totalement ignoré pour ce qui est des avis émis. D'où une orientation biaisée, déviée de ces objectifs premiers. Les élèves ne manqueront pa de payer le prix fort durant le restant de leur cursus scolaire à travers des taux de réussite assez mitigés au bac et qui sont assez significatifs et révélateurs de la parodie d'orientation telle qu'elle est actuellement instituée toutes proportions gardées. Pour y remédier, ce sont tous les mécanismes de l'opération orientation qui sont à revoir avec comme priorité « la mise à niveau des mentalités » au sein de la communauté éducative. Instituer et promouvoir un système d'orientation basé sur la détection des aptitudes de nos enfants au lieu du « capital connaissances acquises » qui n'est pas aussi à dédaigner. Redéfinir clairement les missions du conseiller d'orientation scolaire et professionnelle et lui restituer son cadre fonctionnel réel au sein de la commission d'orientation et ne pas lui affubler un travail « bassement administratif ». Donner la parole au représentant du mouvement associatif des parents d'élèves siégeant au sein de la commission confinée dans un « rôle d'observateur » bâillonné par des textes obsolètes quant à l'avenir des enfants qui est en jeu. En effet, ce que nous pouvons aisément constater, c'est qu'à chaque rentrée scolaire, peu documentés, mal ou peu informés, « les élèves orientés » et ou leurs parents, éprouvent et manifestent un réel besoin d'informations supplémentaires ou de conseils. Il est certain que ce besoin s'exprime à travers les demandes de recours introduites par de nombreux parents pour une remise en cause ou une révision de l'orientation de leur enfant. La lecture des quelques chiffres du tableau ci-après nous éclaire un tant soit peu sur l'importance et la complexité de l'orientation et de ses effets pervers. Tronc commun - 1re année secondaire- année scolaire 1994/95 (1) Voir tableau ci-dessous : 1°) Constat : un nombre assez élevé de demandes de recours du tronc commun technologie vers le tronc commun enseignement général soit : 3256 + 919 = 4175 (72,36) particulièrement vers le tronc commun sciences soit : 1338 + 3256 = 4594 (79,64). 2°) Constat : le tronc commun technologie, quant à lui, ne récolte que : 51 + 68 =119, soit 2,06. 3°) Constat : sur les 4594 demandes de recours le tronc commun sciences, seules 24,40 ont été acceptées : 482 + 639 = ce qui fait ressortir que plus de 75% de demandes de recours ne répondent pas aux critères requis. 4°) Constat : cette analyse, aussi incomplète et partielle soit-elle, n'en démontre pas moins une certaine uniformité dans l'action de l'orientation avec une institution informelle de « section de relégation » et de « section de prestige », situation d'autant plus paradoxale qu'elle s'est incrustée dans les mentalités des élèves « orientables » et leurs parents soucieux avant tout de la réussite sociale de leurs enfants en fin de parcours scolaire. Pour cela, nous remonterons vers la problématique de l'orientation scolaire et professionnelle pour en cerner quelques grandes lignes qui gravitent autour de « l'information scolaire » sans pour autant prétendre brasser tout l'espace socioéducatif où s'exercent des pressions spécifiques que chacun accepte assez mal de supporter. Le problème de l'orientation scolaire n'est pas, comme le pensent certains administrateurs, un simple problème de planification, c'est un problème de « dimension humaine » qui intéresse tout d'abord et en premier lieu l'enfant, ensuite le parent et enfin la société. On peut considérer plusieurs cas : Le plus facile : l'orientation est celle qui correspond aux vœux et aux possibilités du sujet ; le plus délicat : celui où le sujet veut s'orienter vers une filière dont il n'a qu'une connaissance « très imprécise » et qui ne répond pas exactement à ses possibilités actuelles ; le plus difficile : c'est celui où le choix du sujet, choix répondant aux désirs et aux possibilités du sujet, ne peut être satisfait par manque de filière correspondante ou de « place dans une filière existante ». Il n'est plus question de faire de l'orientation un simple événement de passage d'un palier à un autre ou d'une classe à une autre. Les préoccupations légitimes relatives à ce problème sont donc partagées par tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont la délicate mission de réaliser « l'adaptation et l'intégration de l'homme » à l'environnement social où il est appelé à évoluer. L'orientation scolaire et professionnelle est désormais l'affaire de tous les planificateurs de l'éducation, des éducateurs, des services spécialisés et la mise en place de techniques et méthodes adéquates pour donner une signification nouvelle et rationnelle aux interventions des psychologues et conseillers d'OSP. Le problème épineux en relation avec les droits de l'individu « à choisir son destin » consiste à faire prendre conscience au sujet du personnage « qu'il doit être » sur la base d'une résultante d'un bilan de ses capacités vérifiées et de ses aptitudes supposées. Comme il est nécessaire que le sujet tienne compte également de ses inaptitudes supposées, c'est-à-dire savoir « ce que l'on ne peut pas être ». (A suivre) (1) Sources LIOS n° 33, mars 1995