Six policiers accusés de violences sur Bachir Mohamed (33 ans), décédé le 11 juillet à Aïn Témouchent, ont été placés, lundi en fin de journée, sous mandat de dépôt par le juge d'instruction près le tribunal de Sidi Bel Abbès. Un commissaire, un officier, deux inspecteurs de police et deux agents de l'ordre public ont été placés en détention préventive après avoir été auditionnés par le procureur de la République, ainsi que dix autres policiers de la sûreté de la wilaya de Aïn Témouchent. Ils ont été déférés devant le parquet de Sidi Bel Abbès en application du principe du privilège de juridiction, étant donné que «plusieurs mis en cause ont la qualité d'officier de police judiciaire». Selon une source judiciaire, aussitôt l'inculpation connue, les langues ont commencé à se délier à Aïn Témouchent, où la satisfaction a été grande. Malgré les tentatives de la police de camoufler l'affaire, cela s'est avéré inutile. On pense en particulier au flou des déclarations à la presse alors que, dès le départ, le procureur de la République adjoint avait déjà retenu l'accusation de «coups et blessures volontaires» et pris l'initiative de mener une enquête personnellement, dès qu'il a reçu un certificat médical rapportant que Bachir Mohamed avait été victime de violences. En effet, le chirurgien qui l'avait opéré avait dû enlever la rate et l'appendice, totalement mis en bouillie et non pas malades. Ce sont cependant les coups de pied portés au foie qui ont causé le plus de dommages à Mohamed. Coups et blessures Avant de sombrer dans le coma, il avait pu murmurer à son épouse que c'était un certain officier, Jamal, et ses adjoints qui l'avaient mis dans ce piteux état. En outre, selon d'autres sources, il semblerait que la caméra de surveillance de la Caisse de retraite, face à la radio locale, a enregistré le violent tabassage des manifestants par la police. On rapporte également que la victime, après son arrestation le 3 juillet et suite aux coups qui lui ont été portés, a horriblement souffert pendant six longues heures au poste de police alors qu'il était menotté. Son compagnon de cellule a hurlé tant qu'il a pu pour alerter les policiers, sans que l'on se soit soucié de quoi que ce soit. Il a fallu que la relève arrive pour qu'enfin on vienne voir ce qui se passe. Immédiatement transporté aux urgences médicales sous bonne escorte, Mohamed est resté sept heures sur la table d'opération. Le procureur adjoint avait, dès lors, retenu l'accusation de «coups et blessures volontaires», une accusation contre laquelle la police a présenté un dossier accusant Mohamed de tous les délits possibles, le déclarant même en état de fuite, ce qui a fait sursauter les magistrats lorsqu'ils ont pris connaissance de ce dossier. A sa mort, le 12 juillet, au vu du rapport d'autopsie établi à Oran où Mohamed avait été évacué le 4 juillet après être tombé dans le coma, l'accusation a enfin pris forme. Mais il aura fallu attendre cinq jours après la mort de Mohamed Bachir pour que tout s'éclaire : «Ah, si c'était arrivé en Kabylie, cela aurait été autre chose !» Ce commentaire qui en dit long est sur toutes les lèvres à Témouchent.