L'Algérie, toute l'Algérie, doit s'incliner aujourd'hui à la mémoire d'un grand homme décédé hier à l'âge de 84 ans. Un homme bleu. Un homme libre : Hadj Moussa Akhamokh, l'amenokal des Touareg. Le chef spirituel des tribus berbères du Hoggar. Cet illustre personnage presque mythique pour les gens du Sud est certainement difficile à cerner dans une bio-express tellement sa personnalité, son combat et surtout son aura se confondent avec tout ce que représente le Sahara. Avec la disparition d'Akhamokh, qui aura « écumé » l'Assemblée populaire nationale plus de trente années durant, c'est tout un pan de l'histoire du Sud que l'Algérie enterre aujourd'hui. Sa tenue d'homme bleu si atypique et si caractéristique devant les caméras de la télévision aura éveillé la conscience de plusieurs générations de jeunes Algériens qui découvrirent ce digne représentant des frères du Sud. C'est que Hadj Moussa Akhamokh, tout comme ses prédécesseurs à ce titre honorifique, à l'image de Bey Ag Akhamokh (1950-1975), ou plus loin encore Akhamokh Ag Ihemma (1921-1941), incarne véritablement cette passerelle entre le Nord et le Sud. Entre l'Algérie d'en haut et celle d'en bas. Il aura, à son corps défendant, servi quelquefois en tant que personnalité-alibi aux différents pouvoirs qui se sont succédé pour vendre une image d'une Algérie égalitaire. Ayant été militant actif de l'ALN d'abord, puis du FLN ensuite, le dernier Akhamokh, qui s'est éteint à l'âge de 84 ans, était, pour ainsi dire, le Targui qui cache... le désert. Les différentes tribus targuies qui l'avaient élu et lui ayant fait allégeance, lui obéissaient au doigt et à l'œil. C'est à ce titre que cette personnalité, aussi influente que respectée, a toujours suscité les convoitises des partis politiques et les dirigeants du moment qui quémandent régulièrement l'onction de ce père spirituel pour réussir leurs projets. Parce que, au Hoggar, c'est presque un dogme, quand l'Akhamokh va, tout le monde suit... Et quand il décide, tout le monde s'applique. Par crainte, par respect surtout. Cet homme appartenant à la tribu de Kel Rela, qui réclame fièrement sa descendance de la reine mythique des Touareg, Tin Hinan, a certainement beaucoup fait pour la région du grand Sud. Là-bas, le wali, le maire ou un autre décideur à quelque niveau que ce soit le vénèrent presque. Personnalité incontournable dans tout ce qui touche à la région, Hadj Moussa Akhamokh étend son pouvoir sur des centaines de kilomètres. Mieux encore, son aura dépasse largement les frontières algériennes. Il aura ainsi grandement contribué à la résolution du conflit de l'Azawed, qui a fait plusieurs victimes au nord du Mali. L'Algérie officielle ne remerciera jamais assez cet homme d'exception qui, à lui seul, a sécurisé nos frontières du Sud si vulnérables à toute sorte d'intrusion. Il ne faut pas non plus oublier que ce sont les ascendants du regretté Hadj Moussa qui avaient refusé le « marché » du général de Gaulle, qui leur proposait « l'indépendance » vis-à-vis du nord de l'Algérie à la fin des années 1940. Hadj Moussa Akhamokh a donc perpétué ce legs de ses aïeuls, d'être toujours le gardien du temple... du Sud, quoi que lui en coûtait. Il était écrit que ce prestigieux amenokal enturbanné allait quitter ce monde, son monde, la même année que l'autre monstre sacré de la musique tindi qu'était Othmane Baly. Deux personnages, deux profils, un amour : le désert. Chapeaux bas nos frères !