Hadj Moussa Akhamoukh, le sage de l'Ahaggar et l'amenokal des Touaregs, est décédé, hier matin, en son domicile en plein centre de la ville de Tamanrasset à l'âge de 84 ans, après avoir lutté contre la maladie qui l'a contraint à se retirer de la vie politique en 1998. Né en 1921, Akhamoukh est issu de la tribu des Kelghela qui se revendique généalogiquement de Tin-Hinan, la reine mythique des Touaregs. Ancien combattant de la guerre de libération nationale, Hadj Mousssa Akhamoukh est devenu chef spirituel des Touaregs en 1975, succédant à son frère Bey Soltane décédé après 25 ans de règne. Durant trois mandats successifs (1977-1992), il est élu à l'assemblée nationale avant d'être choisi comme membre au sein du Conseil consultatif national créé pour parer à la vacance de l'APN suite à l'arrêt du processus électoral de fin décembre 1991. à la création du Rassemblement national démocratique (RND), il rejoint le parti comme membre fondateur. La formation d'Ahmed Ouyahia comptait bien évidemment beaucoup sur l'aura de ce chef spirituel des tribus touaregs pour s'assurer une assise parmi cette communauté affiliée traditionnellement au frère ennemi, le FLN. Ce qu'il a pu en partie réaliser. Lorsque nous l'avons rencontré en mai 2002 en son domicile, à la veille des élections législatives, Hadj Moussa Akhamoukh, qui avait jusque-là habitué son monde à la grande réserve s'agissant de son ancienne formation politique et du pouvoir en général, fait une sortie spectaculaire et tire sans ménagement sur eux (lire Liberté du 22 mai 2002). Lui, qui était considéré par sa communauté comme son représentant puisque chargé de faire entendre sa voix au sein des institutions du pays afin d'atténuer un tant soit peu la misère dans laquelle elle survit, ne pouvait se taire davantage devant l'indifférence des pouvoirs publics. “Nous avons fait la guerre pour libérer le pays de l'injustice et de la misère, et les gens ont laissé derrière eux leurs enfants et leurs biens. Mais l'Etat ne s'est pas occupé d'eux et les a abandonnés. En revanche, ceux qui n'avaient même pas pris les armes se présentent, aujourd'hui, comme des moudjahidine”. Terriblement déçu par la mauvaise gestion des affaires du pays et la corruption qui a gangrené les hautes sphères du pouvoir, l'homme en avait gros sur le cœur et ne pouvait plus contenir la colère qui l'avait envahi. “Les affaires ont été gérées avec le mensonge, la hogra et, pire, c'est qu'il n'y a pas de contrôle, ça continue”, nous disait-il. En dehors de ses activités politiques et de ses interventions pour le règlement des contentieux au sein de la communauté touareg, Hadj Moussa Akhamoukh est connu pour être un fin connaisseur du grand-sud. Il a en effet activement contribué aux recherches sur la faune et la flore du Tassili. Hamid Saïdani