Plus de 15 600 enquêtes ouvertes, selon l'APS, par la Gendarmerie nationale (GN) en février 2005, sur la situation du foncier agricole à l'échelle nationale ont déjà été remises à la justice. A l'exception de celles situées à Tizi Ouzou, Djelfa et Aïn Defla, toutes les exploitations agricoles ont été recensées et leur situation dressée par la Gendarmerie nationale, instruite à cet effet par le ministère de la Justice. L'est du pays reste la région où a eu lieu le plus grand nombre d'enquêtes, selon le chargé de la communication de la gendarmerie, avec 7237 affaires, suivi de l'Ouest avec 5872, puis le centre avec 2520 enquêtes. Pour la seule wilaya d'Alger, a révélé la même source, 600 exploitations ont fait l'objet de procès-verbaux. Le responsable de la gendarmerie a expliqué que malgré les efforts consentis, les investigations risquent de prendre du temps en raison des difficultés rencontrées sur le terrain. Le responsable de la communication de la GN a cité, en premier lieu, le problème de la sécurité dans certaines localités, notamment à Boumerdès où il est difficile de convoquer les membres de certaines exploitations agricoles à cause du fait que ceux-ci ont changé de résidence ou se trouvent à l'étranger. Les infractions constatées se résument en « la construction sans autorisation, l'accaparement des terres agricoles et le détournement des terres de leur vocation agricole ». Pour leur part, les procureurs généraux des cours d'Alger, d'Oran, de Annaba et de Blida ont déclaré à l'APS que ces investigations ont révélé l'implication de bénéficiaires d'exploitations agricoles, de fonctionnaires, d'élus locaux, de promoteurs immobiliers et de notaires. Les magistrats approchés ont néanmoins constaté que la plupart des exploitations, tous statuts juridiques confondus, n'ont pas subi d'agressions et continuent d'être utilisées conformément à leur vocation. « En revanche, les PV dressés par les enquêteurs ont donné lieu à l'ouverture de près de 200 informations judiciaires et d'un millier d'autres dossiers nécessitant des compléments d'enquête. Partout, les enquêteurs ont constaté les mêmes infractions commises concernant des terres parfois de haute qualité, comme leur affectation à la construction d'habitat, d'unités industrielles, de hangars, mais aussi leur cession illégale à des tiers et leur sous-location à des indus exploitants... », ont indiqué les magistrats. Ces infractions, ont-ils ajouté, impliquent en premier lieu les bénéficiaires initiaux auxquels l'Etat avait confié des exploitations individuelles et collectives, puis aux personnes qui ont acquis illégalement ces terres qu'ils ont détournées de leur vocation initiale. Les mêmes magistrats ont, par ailleurs, expliqué que ces pratiques ont été rendues possibles grâce à l'intervention d'auxiliaires de la justice (notaires) lesquels ont établi de fausses écritures pour la vente et le désistement des terres entre parties, d'élus locaux et de fonctionnaires qui ont usé de leur influence pour légaliser les pratiques fraudeuses, bénéficiant eux-mêmes de ces terres quand ils n'ont pas été derrière leur cession au profit d'autres services de l'Etat pour les besoins de la promotion immobilière et de la construction d'infrastructures socioéconomiques et culturelles. Ainsi, dans la cour de Blida, par exemple, les investigations se sont soldées par l'établissement de 1279 procès-verbaux et l'ouverture de 79 informations judiciaires. Dans une déclaration à l'APS, le procureur général près de cette cour, Hamid Sahel, a affirmé qu'une grande partie des bénéficiaires des exploitations situées dans cette juridiction continuera à exploiter ses terres, du fait que leurs dossiers vont être classés, puisque aucune infraction n'a été relevée par la Gendarmerie nationale. M. Sahel a affirmé, par ailleurs, que pour la seule wilaya de Blida, 19 personnes ont été inculpées, 1 placée sous mandat de dépôt, 13 autres sous contrôle judiciaire et 5 en liberté provisoire. Les chefs d'accusation, a déclaré le procureur général à l'APS, sont entre autres l'atteinte à la propriété immobilière, où sont impliqués certains directeurs de l'agriculture, de l'urbanisme et des notaires, et également faux et usage de faux, construction sans autorisation et dilapidation des biens publics. « Les constructions érigées sur les terres agricoles seront automatiquement détruites, le ministère de la Justice poursuivra les faussaires et l'Etat se chargera du sort des terres récupérées », a indiqué à l'APS, M. Sahel. M. Berradja, procureur général près la cour d'Alger, a, de son côté, affirmé que la gendarmerie a établi 131 procès-verbaux ayant révélé 51 cas d'irrégularités et d'agressions sur les terres agricoles, précisant que les personnes impliquées sont poursuivies pour « cession illégale de terres agricoles à des promoteurs immobiliers, leur exploitation indue, sous-location et constructions illicites ». Le procureur général près la cour d'Oran, Mohamed Zeghmati, a estimé que les investigations ont abouti, dans une première étape, à la poursuite de 511 personnes, précisant que le deuxième bilan fait état de 436 autres infractions. A Annaba, le procureur général près de cette cour, Ahmed Aouak, a relevé que les 11 procès-verbaux établis par la gendarmerie ont donné lieu à l'ouverture d'instructions judiciaires et 164 autres ont été renvoyés à la Gendarmerie nationale pour complément d'information.