Rien que pour le Grand-Alger, près de 10% des exploitations agricoles ont été détournées de leur vocation originelle. En Algérie, chaque secteur a ses barons. Celui du foncier agricole ne déroge pas à la règle. Ceux qui pilotent les affaires agissent dans l'ombre, dans l'anonymat le plus complet. Ils ont leurs prête-noms, leurs hommes de paille. Ils peuvent corrompre tout le monde: l'administration et même le plus simple des citoyens. Ils disposent de beaucoup d'argent. Des sommes colossales. Ils ont l'art de transformer les terrains agricoles en terrains à bâtir. Des immeubles, des villas, des commerces poussent comme des champignons. Une nouvelle forme d'expropriation a vu le jour. Elle est plus raffinée et prend racine dans la cupidité. Des milliards de centimes sont proposés pour donner naissance à ces projets. Des investissements sûrs qui rapportent très gros. Ils assurent une aisance financière pour des générations et un train de vie particulier à ses promoteurs. Mais que diable fait donc l'Etat devant un tel état de fait? Les superficies des terres agricoles sont réduites en peau de chagrin. Cela s'exécute au vu et au su de tout le monde. L'Union nationale des paysans algériens, l'Unpa, ne compte pas garder les bras croisés devant un tel phénomène. Dès le mois de mars, prochain, un projet de loi sur l'orientation du foncier agricole sera déposé à l'Assemblée populaire nationale, dans le cadre de sa session de printemps. C'est ce qu'a déclaré son secrétaire général, le 23 février à Aïn Defla. M.Allioui Mohamed qui s'exprimait devant l'assemblée générale de l'Union des paysans algériens de la wilaya, a précisé que le projet de loi en gestation devrait pouvoir répondre aux attentes des principaux concernés. La loi une fois finalisée, aura pour principal objectif de «résoudre les problèmes que rencontrent les paysans sur le terrain, notamment en matière de régularisation du foncier agricole et de faire barrage aux opportunistes et spéculateurs», a précisé au cours de son intervention le secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens (Unpa), M.Allioui Mohamed. Il a aussi, par ailleurs, dénoncé les pratiques d'une banque publique, sans la citer nommément. Cet établissement bancaire se serait distingué par des «transactions en faveur d'opérateurs étrangers au secteur». A titre d'exemple, le secrétaire général de l'Unpa a cité de cas d'une personne qui a bénéficié d'un prêt dont le montant excède la somme de 80 millions de dinars alors qu'elle n'avait rien à voir avec le secteur en question. D'autre part, un crédit de seulement 50 millions de dinars a été octroyé à un millier de fellahs. Cette disproportion montre bien et illustre la mise à mal du foncier agricole. Le secteur est juteux et il aiguise par conséquent bien des appétits. Pour M.Allioui, c'est dans l'application de la loi que résident tous les maux dont est atteint le foncier agricole en Algérie. Il met en exergue la loi 19-87, celle relative aux exploitations agricoles. Elle comporte des lacunes qui ont été exploitées sans vergogne par des personnes qui ne portaient de l'intérêt au secteur que pour assouvir leurs desseins inavoués. «Le bail accordé pour une longue durée au profit du privé a détourné ces exploitations de leur vocation originelle», a constaté amèrement le secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens. Détourner le foncier agricole de sa vocation première sans en mesurer les conséquences néfastes sur le secteur agricole est le moindre souci de cette mafia qui sévit dans un domaine vital de l'économie algérienne: l'agriculture. Les enquêtes diligentées par les services de la Gendarmerie nationale uniquement dans l'Algérois ont permis de dresser 1270 procès-verbaux vers le mois de mai 2006. Les cours de justice d'Alger, de Blida et de Boumerdès ont été saisies. 1486 exploitations agricoles, soit près des trois quarts que compte l'ensemble du territoire du Grand-Alger, ont été «agressées». 1615ha, selon les enquêteurs, ont été détournés pour d'autres projets que leur vocation originelle. L'urgence de la sécurisation de la propriété est devenue prioritaire. Une réforme du foncier agricole est devenue incontournable. Il est temps d'arrêter l'hémorragie. Le morcellement des parcelles agricoles a atteint un seuil qui porte un sérieux préjudice au rendement des terres cultivables. 350.000 exploitations n'atteignent pas 2 ha alors que 62% sont en dessous de la barre des 5ha. Depuis une dizaine d'années, l'Etat n'a pas lésiné sur les moyens en injectant beaucoup d'argent dans le secteur. Pour la période 2008-2025, une enveloppe estimée à 1914,6 milliards de dinars est pressentie pour sortir le secteur agricole de son marasme. Les importations de produits alimentaires ont connu une explosion sans précédent, plus de 52%. Encore un défi à relever et de forts appétits à éloigner.