- Pouvez-vous expliquer aux lecteurs, ce qu'est au juste une agence de notation comme Dagong, Moody's ou S&P ? Dagong est la plus importante agence de notation chinoise. Moody's, Standard & Poors et Fitch sont les trois agences de notation occidentales les plus réputées sur les marchés. Ce sont des fournisseurs de services et d'analyses indépendants, qui ont bâti au fil des années une crédibilité auprès des investisseurs et des marchés. Une de leurs activités est de «noter» la dette de pays ou de sociétés qui émettent des obligations. Ces notes qualifient la qualité du crédit de ces émetteurs. Plus la note est élevée, plus la qualité de crédit est bonne. Par exemple, selon l'échelle Standard & Poors (les échelles différent d'une agence à une autre), la note AAA est la plus élevée. C'était la note de la dette américaine jusqu'à vendredi soir, mais aussi, entre autres, celle de la dette française, du Royaume-Uni, celle de la dette allemande, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de Hong Kong. Une bonne note traduit que le crédit est bon et le risque faible. C'est pour cela que l'on est disposé à prêter à des taux moins élevés à des pays dont le risque de défaut est faible. Si le risque augmente, alors les investisseurs vont demander des taux d'intérêt plus élevés pour compenser le risque. - Que traduit en réalité la dégradation de la note des Etats-Unis du triple A au AA+ ? Dans son rapport de 8 pages publié vendredi à la fermeture des marchés, Standard & Poors a justifié sa décision par la toute relative incertitude politique et institutionnelle américaine. Ce rapport explique que l'agence est pessimiste quant à la capacité de l'Administration américaine et du Congrès à transformer l'accord de dernière minute sur le plafond de la dette en un véritable plan de consolidation fiscale. Ce dernier permettrait d'entrevoir un renversement de la dynamique de la dette américaine. Cette «rétrogradation», vendredi soir, n'intègre pas des éléments qui n'étaient pas connus de tous dans la matinée de la même journée. D'ailleurs, l'agence chinoise Dagon avait déjà rétrogradé plusieurs fois la dette américaine. Pour l'instant, les autres agences de notation n'ont pas modifié la note des Etats-Unis. En termes de taux, lundi dernier au matin, après avoir augmenté légèrement en fin de semaine, les taux sur les obligations à long terme américaines ont baissé – lorsque les taux baissent, la valeur des obligations augmente. Ainsi, même si la dette américaine a été rétrogradée, cela reste une relative valeur refuge pour les investisseurs en période de tourmente des marchés. Evidemment, dans ce contexte, l'or s'est apprécié. Des investisseurs ont manifesté de l'intérêt pour d'autres obligations d'Etat bien notées, comme celles de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Mais il ne semble pas qu'ils aient trouvé des valeurs pouvant remplacer immédiatement et à grande échelle la dette américaine. - Pourquoi les agences de notation ont-elles une grande influence sur les cours boursiers, y compris pétroliers ? Il y a des débats sur l'influence des agences de notation. Dans le cas présent, la rétrogradation de la dette américaine ne semble pas avoir directement influencé les investisseurs. En réalité, cette rétrogradation a probablement été la «goutte qui a fait déborder le vase» et a été un déclencheur d'autre chose : les craintes d'une autre période de récession ont refait surface. C'est cela qui a fait chuter les places boursières et le prix de certaines matières premières, comme le pétrole, ce week-end et lundi matin. - On évoque ces derniers jours une menace sur les réserves de changes de l'Algérie placées aux Etats-Unis. Devant de multiples hypothèses, quel est le probable scénario ? De façon directe, la baisse de la notation de la dette américaine est susceptible de faire augmenter les taux et de faire baisser la valeur des obligations. Par contre, comme je l'ai dit plus haut, compte tenu d'autres éléments, il n'est pas évident que cela affecte réellement, à court terme, la valeur de nos placements en valeurs du Trésor américain. Ce qui est plus inquiétant, c'est le retour à une récession américaine et éventuellement mondiale, comme cela a été le cas en 2008. Compte tenu de la structure de notre économie, comme en 2008, une telle crise est susceptible d'affecter les cours des hydrocarbures et donc notre unique ressource.