Adopté en Conseil des ministres, avant-hier, le projet de loi organique relatif au régime électoral suscite scepticisme et appréhension chez les partis politiques. Le projet, élaboré par le ministère de l'Intérieur, prévoit notamment «un double mécanisme de surveillance des élections, à travers la mise en place d'une commission de supervision des élections composée de magistrats désignés par le chef de l'Etat et une commission indépendante de surveillance des élections». Cette disposition suffira-t-elle à mettre un terme à la fraude électorale qui a rythmé les opérations de vote depuis l'instauration du pluralisme politique ? Pas si sûr, estime le Rassemblement pour la culture et la démocratique (RCD). «Le projet de loi adopté en Conseil des ministres ressemble aux lois déjà existantes. La nouveauté réside dans la commission des magistrats désignés par un président de la République, lui-même issu d'une fraude électorale», critique Mohcen Belabes, député et porte-parole du RCD. L'autre grief retenu par ce parti contre le projet de Daho Ould Kablia est lié à la manière avec laquelle ce texte de loi a été élaboré. «Cette loi est le résultat d'une consultation politique qui a été boudée par les partis politiques crédibles avec un ancrage populaire et aussi par des personnalités politiques de poids», reproche le RCD. Pas seulement. Belabes s'interroge également sur le fait que cette loi serait entérinée par «une APN qui ne jouit pas d'une légitimité populaire». Que faire alors ? Le RCD exige «qu'on enlève la paternité de l'organisation des élections au ministère de l'Intérieur». Mais le parti de Saïd Sadi ne se fait pas trop d'illusions. «Le régime en place ne peut pas organiser l'alternance. Il pond des lois pouvant lui permettre de se maintenir», conclut le responsable du RCD. Moins critique, le MSP, l'allié islamiste du gouvernement, émet aussi des appréhensions. «A la première lecture, il apparaît des améliorations sur le texte relatif au régime électoral. Nous constatons que beaucoup de nos propositions ont été prises en considération. Néanmoins, nous avons des appréhensions quant aux pratiques. Le texte ne suffit pas si les vieilles pratiques de fraude persistent encore. L'urgence est de mettre un terme à la culture de la fraude», préconise Mohamed Djemma du MSP. Paradoxalement, le Parti des travailleurs (PT) juge les nouvelles dispositions «pertinentes». Selon le parti de Louisa Hanoune, les dispositions contenues dans le projet de loi, «pertinentes, celles-ci contribueront, indiscutablement, à assurer la transparence des scrutins. Elles constituent une avancée démocratique importante du point de vue de la lutte contre la fraude électorale, la corruption par l'argent, le nomadisme politique (…)» Un optimisme partagé par le RND, dont est issu le Premier ministre. «Ce projet va dans le sens de la consécration de plus de transparence à travers l'introduction de nouveaux mécanismes de contrôle des élections», se réjouit Miloud Chorfi qui parle au nom du RND. Mais, ce n'est pas l'avis du député, non inscrit, Ali Brahimi, qui pose la question de l'indépendance des magistrats qui auront la tâche de superviser l'opération électorale. «L'indépendance de la commission des magistrats va sans doute souffrir de la subordination de la justice à l'Exécutif du fait de sa nomination par le chef de l'Etat», analyse le député de Bouira. L'autre critique avancée par le parlementaire est liée au maintien «du verrou qui permet le monopole attribué aux 9 partis politiques qui ne sont pas astreints à recueillir des signatures». Absurde, selon Brahimi. «Le législateur fige l'électorat dans sa configuration d'il y a quinze ans», dénonce-t-il.