Pour la mémoire collective mondiale, l'évocation du 11 septembre renvoie nécessairement aux attaques Twins Towers à New York et celle du Pentagone à Washington. Dix ans après, les yeux et les esprits du monde entier sont braqués sur «ground zero». Mais, qui se souvient de l'autre 11 septembre, tout autant ravageur et destructeur ? Celui de 1973, qui s'est produit à l'autre bout du continent américain, au Chili plus exactement. A cette date, ce pays d'Amérique du Sud a été plongé dans une sombre et cruelle phase. Avec le concours prépondérant de Washington, la junte militaire au Chili, menée par le général Augusto Pinochet, a renversé par un coup d'Etat militaire le président, démocratiquement élu, Salvador Allende. Mettant ainsi un terme, dans un bain de sang, à trois années d'une expérience nouvelle. Elu trois ans auparavant sous les couleurs de l'Union populaire, une alliance des gauches, le président Allende engageait le pays, par voie pacifique, dans le socialisme. Une orientation qui a suscité l'ire des gros propriétaires. Pour la bourgeoisie chilienne tout comme pour les dirigeants de Washington, il fallait briser le rêve de Salvador Allende avant qu'il ne soit trop tard et à n'importe quel prix. Effectivement, le prix a été fort. Ainsi, la matinée du 11 septembre 1973, à Santiago du Chili, l'aviation bombarde le palais présidentiel, La Moneda. Resté seul, le Président se suicide d'une rafale de mitraillette. Il avait 65 ans. Les militaires prennent de force le pouvoir. Dans les jours qui suivent, plusieurs dizaines de milliers de personnes suspectes de sympathie marxiste sont raflées et concentrées dans le sinistre stade de Santiago. Des milliers de Chiliens furent exécutés, torturés ou exilés. Des milliers de citoyens sont portés disparus. La junte militaire prononça la dissolution du Congrès national, des syndicats et des partis politiques. La liberté de la presse fut abolie, le couvre-feu instauré. La dictature militaire a sévi abominablement jusqu'en 1990. Pendant près de trois décennies, le peuple chilien a été soumis à une tyrannie des plus cruelles de l'histoire contemporaine. Le dictateur Pinochet quitte la présidence de la République le 11 mars 1990, tout en conservant, pour huit ans encore, le commandement de l'armée chilienne, puis il devient sénateur à vie, en tant qu'ancien président. Il est arrêté à Londres, suite à une poursuite engagée par le juge espagnol Garzon Baltazar pour «génocide, terrorisme et tortures». Il meurt en décembre 2006, sans avoir été jugé. Si le bourreau a connu une fin sans gloire, Salvador Allende, lui, demeure encore l'emblème d'une lutte à reprendre pour un monde plus juste et plus humain.