L'ouverture du champ audiovisuel est appelée à être soumise à une convention, une autorisation et une loi spécifique toujours pas élaborée. Le Conseil des ministres a eu également à prendre un certain nombre de décisions, dont celle ayant trait à la création de partis politiques et d'associations. L'ouverture du champ audiovisuel est consacrée en Algérie. Le projet de loi organique relative à l'information adopté hier en Conseil des ministres a repris en élargissant les dispositions déjà prévues par la loi d'avril 1990. Des dispositions jamais respectées par les gouvernements successifs, lesquels n'avaient aucune volonté de mettre fin au monopole exercé sur la télévision et la radio. Celles-ci seront portées, selon les termes du communiqué du Conseil des ministres, répercuté hier par l'agence officielle APS par «une loi spécifique sur l'audiovisuel». Une autorité de régulation sur l'audiovisuel aura la charge de gérer ce domaine. «L'ouverture de l'activité audiovisuelle est proposée aussi sur la base d'une convention qui sera conclue entre la société algérienne de droit privé concernée et une autorité de régulation de l'audiovisuel validée par une autorisation délivrée par les pouvoirs publics», est-il précisé. Autrement dit, cette libération des ondes est conditionnée. Il faut d'abord une convention et une autorisation. Avant cela, il est impératif de se doter d'une loi et, éventuellement, de textes d'application. Connaissant «le système» opaque et lent de préparation des textes de lois en Algérie, l'ouverture effective de l'audiovisuel dans le pays risque de prendre plusieurs années. La participation de l'Etat dans le capital des futures entreprises de télévision ou de radio n'est plus exigée. Pourtant, Ahmed Ouyahia, Premier ministre, connu pour son hostilité à toute ouverture médiatique, a longtemps milité pour cette présence étatique sur le modèle marocain de 2M. Que s'est-il passé pour qu'il accepte une telle concession ? Ouyahia a toutefois imposé l'idée d'une autorité de régulation pour l'audiovisuel calquée sur l'expérience française du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Au début de l'année, le Premier ministre tenait un autre discours en affirmant qu'il était prématuré de parler d'ouverture du champ audiovisuel. Le président Abdelaziz Bouteflika, qui, au début de son premier mandat, disait qu'il était «le rédacteur en chef» de la télévision, refusait tout appel à la libération des fréquences. Résultat : l'Algérie est aujourd'hui «un nain» médiatique dans la zone maghrébine et arabe. La nouvelle Libye, débarrassée de la dictature d'El Gueddafi, va bientôt se joindre au Maroc, à la Tunisie et à la Mauritanie dans le renforcement des libertés médiatiques et le lancement de chaînes de télévision et de radio. Le projet de loi relative à l'information prévoit la suppression de l'agrément de nouvelles publications par le procureur de la République remplacé par une autorité de régulation. Celle-ci aura à statuer aussi sur toute question relative aux publications de presse (cartes de presse, accréditation de correspondants de médias étrangers, notamment). A l'image de l'ex-Conseil supérieur à l'information (CSI), supprimé au milieu des années 1990, la composante de cette autorité sera désignée à moitié par le président de la République et le Parlement, l'autre moitié sera choisie parmi les journalistes. Le communiqué du Conseil des ministres ne précise pas s'il s'agit d'une désignation ou d'une élection. L'installation des deux instances de régulation signifie la fin de mission du ministère de la Communication qui perd ainsi toutes ses prérogatives. Autrement dit, il s'agit d'un retour au système des premières réformes politiques et économiques du début des années 1990. Dans le nouveau texte, des dispositions sont prévues pour les médias électroniques et pour l'aide de l'Etat à la presse. Il est prévu aussi dans le projet de loi la création d'un conseil national de déontologie et d'éthique qui sera élu par les professionnels des médias. «Le texte énonce des principes découlant de règles universelles de droit et de nos valeurs nationales», est-il encore indiqué. Les médias sont tenus de respecter ces «valeurs» et «règles». Il s'agit visiblement «d'une déontologie» que les autorités entendent imposer d'en haut pour dresser des balises. Une manière d'empêcher à l'avenir les journalistes d'aborder librement des thèmes liés à l'histoire, à la diplomatie et à l'économie. Le Conseil des ministres a, par ailleurs, déjugé Nacer Mehal, ministre de la Communication, qui a proposé une mouture d'un projet de loi de l'information maintenant la mise en prison des journalistes pour délits de presse. Le projet adopté hier limite ses dispositions pénales aux seules infractions directement liées à l'activité de presse et exclut toute peine privative de liberté. Reste à savoir quelles sont exactement «les dispositions pénales» liées aux «infractions» relatives au travail journalistique. La corporation de la presse qui, en grande partie, n'a pas été consultée pour l'élaboration de ce texte aura son mot à dire dès que le projet de loi sur l'information sera transmis au Parlement. Il faut probablement penser d'ores et déjà au «lobbying» pour réduire les contraintes «légalement» posées devant l'ouverture du champ audiovisuel en Algérie et prendre de vitesse le gouvernement.