Les groupes terroristes et le crime organisé représentent un réel risque pour la sécurité dans les pays du Sahel. Une approche plus scientifique est nécessaire pour comprendre les tensions qui subsistent dans cette région. C'est la déduction faite, hier à Alger, par un chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI), docteur Alain Antil, lors d'une conférence organisée par le Centre de recherche stratégique et sécuritaire. Le conflit opposant les rebelles du Conseil de transition libyen (CNT) et les pro-El Gueddafi n'est pas encore terminé. Depuis le début des hostilités, on a avancé le détournement de stocks d'armement libyen. Mais, selon Dr Antil, «le trafic d'armes a toujours existé dans la bande du Sahel». «L'insurrection en Libye n'a fait que l'accélérer», déclare-t-il. L'intervenant a axé son exposé notamment sur le trafic de cocaïne. A travers cet exemple, il a voulu démontrer comment l'organisation terroriste AQMI arrive, de manière directe, à tisser des liens avec les narcotrafiquants. «Les barons de la cocaïne, dont la production se trouve en Colombie, possèdent depuis quelques années des routes de transit au Sahel. Il se pourrait que dorénavant les groupes terroristes escortent les convois. Mais une chose est sûre, ils ne pourront jamais s'engager dans pareille entreprise dans des endroits où les forces de l'ordre sont déployées», explique-t-il. Le conférencier pense que «la seule solution pour éradiquer le trafic de cocaïne dans la région du Sahel est la lutte contre les acteurs de la criminalité, à savoir ceux qui contrôlent la production, le transit et la commercialisation». «Il ne sert à rien de saisir. Si le produit manque, cela ne changera rien à la situation. Les prix augmenteront. La substance sera toujours disponible», souligne-t-il. D'autre part, ajoute-t-il, «en Afrique de l'Ouest, le crime organisé local n'est plus un moyen d'exécution ou un sous-traitant. Il a noué des partenariats avec les cartels latino-américains et les mafias européennes». Alain Antil a apporté des explications concernant le mode de recrutement utilisé que ce soit par les réseaux de crime organisé ou l'AQMI. Pour lui, «les inégalités dans les pays du Sahel sont énormes». «Des jeunes, frustrés par les écarts sociaux, ont intégré les rangs de telle ou telle mouvance. Il y a 40 ans, les familles dites aisées et pauvres dans ces pays avaient presque le même mode de vie. Mais une fois les marchés ouverts à l'importation, il y a eu un grand fossé entre les classes sociales», souligne-t-il. Il pense que «le discours salafiste (matière grise du terrorisme) a été porté par une partie de la jeunesse désœuvrée, sans repères et qui cherche à s'en sortir, car donnant une vision d'un Islam plus égalitaire». Dans ce sens, le chercheur estime également que «les dissensions entre les différentes communautés vivant dans la bande du Sahel est un grand problème qui reste à résoudre».