Le « crime organisé et le trafic de drogue au Sahel » tel est le thème de la conférence qu'a animée hier matin au CRSS, centre de recherches stratégique et sécuritaire, Alain Antil, le responsable des programmes Afrique subsaharienne à l'IFRI, le centre français de recherche spécialisé dans les relations internationales et réputé pour ses 200 à 250 publications et autant de conférences par an. «Parler d'une façon précise sur le trafic de drogue au Sahel, un crime apparu dans cet espace et en Afrique de l'Ouest, au milieu des années 2000. Pourquoi cette date ? «Avant 2005, les saisies sont quasi insignifiantes. Après 2005, elles ont dépassé 46 tonnes par an» dit-il sans rappeler que ses «propos» sont le fruit d'un travail effectué sur les lieux depuis 1992. Comment traverse t-elle l'Atlantique pour «arriver» en Afrique équatoriale, Sahel, Maroc ? «Par bateau, petits avions et …les lignes aériennes régulières» répond-il avant d'expliquer le mode opératoire des relais. «Les cartels sud américains ont depuis peu de véritables relais, voire de véritables partenaires pour l'acheminement de cette drogue, essentiellement de la cocaïne en Europe et au Moyen Orient. Surtout que les bénéfices pour ces relais locaux, de véritables mafias souvent associés ou proches des centres du pouvoir souvent installés par des multinationales, sont alléchants : un kg de cocaïne qui fait 2400 $ US en Colombie, est revendu 8000 $ en Guinée Bissau, 10.000 $ au Mali, 20.000 $ en Afrique du Nord et 30 à 40.000 $ en Europe » dit –il en prenant le soin de citer le montant généré par la cocaïne en Guinée Bissau : 2 milliards de dollars, soit un plus que le PIB. De quoi donner de l'eau à la bouche de l'AQMI qui sévit au Sahel. Selon le spécialiste français du Sahel et plusieurs participants à la conférence, dont M. Ghrieb, Meghlaoui, deux ex ambassadeurs et fin connaisseurs de la région, la convergence terrorisme crime organisé est là. Avec la multiplication des intervenants, certains groupes seraient contraints de « monnayer la sécurisation de leur convoi par l'AQMI, qui avec les événements en Libye ne manquera ni en hommes ni en armes désormais. Pour Meghlaoui qui s'interroge sur l'origine des produits chimiques qui entrent dans la composition de la fabrication de la cocaïne et sur ce que fait l'Europe pour aider les pays de la région à lutter contre leurs narcotrafiquants, il y a lieu de redouter avec cette forte poussée du trafic de drogue dans cette partie du Continent et l'emprise de la nébuleuse terroriste, un affaiblissement des états locaux déjà fort fragiles et fragilisés durant les années 80 par les ajustements structurels imposés par le FMI et la Banque mondiale. Est-ce une manière de préparer le terrain à des appels à l'Occident pour protéger des populations civiles de l'Atlantique à la Mer rouge, comme en Libye, contre le duo AQMI/narcotrafiquants en passe de s'offrir une légitimité et un pouvoir sans partage dans la région et transformer les états l'Atlantique à la Mer rouge en protectorats ?