Le prix du ticket a été augmenté unilatéralement de 50% vers des destinations comme Alger, Isser, Boumerdès et le sud de la wilaya Une virée en ville et dans les nouvelles stations intermédiaires renseigne sur les lacunes qui restent à combler dans ce secteur. On dirait que tout est fait pour favoriser les transporteurs par bus. L'administration n'a pas bougé le petit doigt pour examiner le cas de l'augmentation illicite des prix du billet de transport. De plus, le transport par rail n'assure que trois 3 navettes par jours. Je suis obligé de payer 360 DA quotidiennement pour rejoindre mon poste de travail à Alger, sans compter ce que je débourse en revenant chez moi au village !», dit, avec amertume, un voyageur rencontré à la nouvelle gare multimodale de Bouhinoune. Sans décrocher les yeux du tableau d'affichage, il ajoute: «Voyez-vous, même les horaires ne nous conviennent pas». La population ne cesse de faire part des désagréments causés par l'application du nouveau plan de transport en cette rentrée sociale. Gare multimodale de Bouhinoun. Il est 13h. Dans la salle d'attente, bondée de monde, les usagers attendent, qui le train, qui le bus ou le taxi. Impossible de résister sur les quais sous un soleil de plomb, les abribus n'ayant pas été installés. Les escaliers, la cafète de la gare, le moindre endroit ombragé est pris d'assaut par les voyageurs. De l'autre côté, des citoyens, bagages en main, traversent par groupe les deux voies rapides de l'autoroute qui séparent la Nouvelle ville de Tizi Ouzou et la gare. Ils mettant en péril leur vie pour rejoindre la nouvelle station. «Il existe un pont et une passerelle pour se rendre de la ville directement à la gare, à pied. Mais elles sont trop éloignées des quais. C'est dangereux, je sais, mais même si j'emprunte ces passerelles, je suis obligée de parcourir ces accotements, le long de l'autoroute ; et c'est assez risqué !», avoue une étudiante, tout en sueur, à la sortie de la gare. Le directeur des transports avait, en juillet, annoncé la réalisation d'une passerelle qui enjambera l'autoroute pour donner directement dans la gare et dont les travaux débuteront en septembre. Faut-il qu'il y ait quelque drame pour décider de la réalisation d'une passerelle? se demande-t-on. Une virée en ville et dans les stations intermédiaires renseigne sur les lacunes qui restent à combler. La principale étant la sécurité. En ville, des arrêts de bus, crées anarchiquement un peu partout sur les trottoirs, sont devenus des lieux de prédilection de pickpockets. «Sur une bande de 200 m de trottoir, le bus s'arrête au moins trois fois ! Est-ce raisonnable ? Les voyageurs font le pied de grue tout au long du trottoir. Il faut songer à créer des arrêts fixes, avec abris, pour les bus, afin de changer ce comportement des citoyens et faire respecter les haltes aux transporteurs», dit une dame à l'ex-station de fourgon du 1er novembre. Il est 16h. Les voyageurs en partance vers les localités de l'intérieur s'impatientent au niveau du même arrêt. «Si tu ne montes pas maintenant, il se pourrait que tu ne trouves pas de transport à 17h ou à 18h. Il n'y a pas assez de bus qui font la liaison entre la ville et les stations intermédiaires. Imaginez en hiver ; à 17h, il fait déjà noir. Je plains les femmes qui travaillent en ville quand elles arrivent à la station comme celles de Oued Aïssi, Béni Douala et celle du Pont de Bougie ; aucune sécurité», raconte un jeune en discussion avec son compagnon. «L'augmentation des prix, une sanction !» L'augmentation des tarifs était-elle le fruit d'un accord secret entre administration - transporteurs ? Aux yeux des citoyens, tout concourt à conforter cet avis. Pour le directeur des transporteurs de la wilaya, les transporteurs propriétaires de bus, «ont enfreint à la loi en augmentant unilatéralement les tarifs». Au mois de juillet dernier, soit juste après la fin de la crise qui aura duré 47 jours, les transporteurs par bus, tout en demandant l'amélioration des conditions de travail, ont augmenté de 50% les prix par place sur notamment les dessertes à destination d'Alger, des Issers, Boumerdès et du Sud de la wilaya de Tizi Ouzou. Leurs collègues qui assurent les lignes intercommunales par fourgons ou minibus, leur ont emboité le pas en opérant une hausse de 30%, notamment vers Boudjima, Azazga, Bouzeguène, depuis leur délocalisation de la ville de Tizi Ouzou vers les stations intermédiaires. L'association de défense des droits des consommateurs de Tizi Ouzou a réagi à cette situation en qualifiant cette hausse de «scandaleuse et illégitime». Des voyageurs se sont presque fait tabasser par des receveurs pour avoir refusé de payer plus cher leur place. Les citoyens de Ait Yahia Moussa ont fermé la route la semaine dernière aux transporteurs pour protester contre la flambée du prix du ticket. La grève enclenchée par les transporteurs pour l'amélioration des conditions d'accueil et de traitement des voyageurs à la nouvelle gare multimodale, a «accouché», finalement, d'une augmentation de billets en faveur des opérateurs qui justifient la hausse par la «réparation du préjudice financier causé par la grève !». Mais, faut-il que le préjudice soit réparé par les malheureux voyageurs, déjà sérieusement pénalisés et par le chamboulement improvisé de l'administration et par les transporteurs? Plus étonnant, aucune autorité ne s'en est souciée. Hormis des effets d'annonce de l'administration qui a fait fi de ses prérogatives, celle-ci s'inclina même face au lobby des transporteurs. L'administration, par son immobilisme risque même de provoquer un autre débrayage des transporteurs si les aménagements prescrits ne seront pas concrétisés. Une virée dans la gare et aux stations intermédiaires montre aussi qu'aucun changement n'y est effectué. Selon le président de l'assemblée populaire de wilaya, Mahfoud Belabès, «les prix ont été augmentés d'une manière brusque et exagérée. Pour moi, c'est une sanction à l'encontre des citoyens qui ont désapprouvé cette grève dès le départ». Pourtant, lors des négociations, les représentants de l'administration et les élus à l'APW se sont engagés à intervenir sur des aspects financiers pour amortir la perte de gain, générée par les 47 jours de grève pour les transporteurs. Le P/APW a estimé qu'il n'y avait aucune logique pour ces augmentations du moment que «nous avons décidé d'intervenir auprès des banques et des services des impôts, pour notamment décharger les professionnels du transport du paiement des droits d'accès à la gare multimodale, pour qu'ils puissent rééquilibrer leurs finances». Afin de ramener les prix du transport urbain (gares intermédiaires - ville de Tizi Ouzou) à 10 DA, l'APW a débloqué une subvention de 3 millions de DA et appelle les autres institutions publiques, dont l'APC, à faire autant. Du coté de la direction des transports, c'est le silence radio. Pour l'APW, seul l'administration détient les moyens de répression en cas d'infraction à la loi. Et l'administration le sait bien puisque c'est elle qui avait déclaré : «La fixation des tarifs de transport est du ressort exclusif de l'autorité du ministère en vertu de la loi 02/11 du 24 décembre 2002 portant loi de finances 2003. L'ancrage juridique de la loi sur laquelle se sont basés les transporteurs a été abrogé par l'ordonnance 03/03 relative à la concurrence». Pendant ce temps, à la gare multimodale de Bouhinoune et aux stations intermédiaires les voyageurs continuent de subir le diktat des transporteurs, des dealers en l'absence de sécurité et des alias du climat dans des infrastructures livrées à la hâte.