Souvent épinglé pour son manque de visibilité et son tâtonnement en matière économique, le gouvernement vient une nouvelle fois de démontrer que ce dont on l'accusait n'était pas fortuit. Et pour cause, le projet de loi de finances 2012 (PLF 2012), adopté en Conseil des ministres, actuellement au niveau du bureau de l'Assemblée populaire nationale, en dit long sur la manie qu'a le gouvernement de naviguer à vue. La tendance était déjà visible avec le recours récurrent depuis 4 ans aux lois de finances complémentaires (LFC) censées être une rectification exceptionnelle du budget annuel, mais devenu quasiment une règle et un texte qui, jusqu'à la LFC 2011, n'était même pas discuté au Parlement. Depuis quelque temps, le gouvernement a pris la fâcheuse habitude de se déjuger en supprimant dans une loi de finances des dispositions contenues dans la LFC qui l'a précédait et vice-versa. Cette règle a de nouveau été respectée dans le PLF 2012, dont certains articles modifient, rectifient ou abrogent carrément des dispositions présentes dans des lois de finances ou lois de finances complémentaires de ces dernières années. Parmi les exemples retenus, celui de l'article 7 du PLF 2012 qui modifie les dispositions de la loi de finances 2007 qui avait substitué «la durée de 5 ans à celle de l'amortissement de l'équipement», en ce qui concerne l'étalement de l'imposition dans le cas d'une subvention à l'équipement. Or, explique le ministère des Finances dans l'exposé des motifs, «cette durée de 5 ans peut s'avérer courte pour l'imposition des subventions destinées à certains investissements d'envergure et partant, très pesante sur la trésorerie des entreprises concernées». C'est dans ce cadre que l'article 7 propose de réintégrer la possibilité d'aligner la période d'imposition pour ce type d'investissement sur la durée d'amortissement pour les biens d'équipement que cette durée est supérieure à 5 ans. L'article 50 du PLF 2012 abroge, quant à lui, les dispositions de l'article 23 de la loi de finances complémentaire 2010 qui avait institué une taxe applicable sur le blé dur importé à un prix inférieur au prix de régularisation fixé actuellement à 2500 DA le quintal. Le ministère des Finances explique d'une manière concise qu'étant donné «l'inapplicabilité de cette taxe sur le blé dur, il paraît nécessaire d'abroger cette disposition de loi devenue inopportune». Par ailleurs, l'article 52 modifie partiellement l'article 40 de la loi de finances complémentaire 2009 (LFC 2009) qui exempt de la TVA «les équipements et les matériels sportifs produits en Algérie et acquis par les Fédérations nationales des sports, sous réserve que ces équipements soient en relation avec la discipline sportive principale déployée par la fédération bénéficiaire». Considérant que cette disposition pénalise les fédérations «omnisports», il est proposé dans la PLF 2012 de supprimer les réserves. L'article 57 abroge l'article 22 de la loi de finances complémentaire 2011 adoptée il y a à peine 3 mois et qui supprimait l'incessibilité pour 10 ans des logements sociaux financés par l'Etat et les logements aidés. Manque de visibilité On peut enfin citer l'article 62 qui modifie l'article 63 de la LFC 2009 relatif à la domiciliation bancaire des opérations d'importation de biens et services. Ce dernier instituait une taxe de 3% du montant de la domiciliation pour les importations de services. Le PLF 2012 exonère de cette taxe les importations de services effectuées dans le cadre des opérations de réassurance au motif que l'article 63 ne tient pas compte du caractère structurel et spéculatif de ces opérations. Le gouvernement considère qu'avec le pourcentage de 3%, la détermination de la taxe devient proportionnelle à l'importance du montant du risque assuré, ce qui aurait pour effet de renchérir les coûts de la réassurance et par conséquent de l'assurance. Ces décisions et leurs contraires dénotent, selon certains économistes, «un manque de visibilité» de la part du gouvernement. D'où d'ailleurs le recours de plus en plus souvent à des lois de finances complémentaires qui témoignent de la part des dirigeants du pays une «insuffisance de la prévision et d'une évaluation qui permette de déterminer de la manière la plus proche possible les tendances du marché». Quand on est incapable de prévoir un budget sur l'année, il ne faut pas s'étonner qu'il n'y a pas de vision économique à long terme. Car comme le souligne un économiste, «on ne peut pas fixer des objectifs à atteindre tant qu'on n'est pas arrivé à s'assurer d'une projection qui dépasse six mois».