Avec une récolte de 42 millions de quintaux cette année, la production céréalière vient d'enregistrer sa deuxième baisse consécutive. En annonçant, il y a quelques jours, le niveau de production obtenue cette année, toutes céréales confondues, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, confirme cette courbe descendante dans laquelle la filière s'est engagée. Ainsi, en l'espace de deux saisons, la production céréalière a reculé de plus de 32%, comparativement aux 62 millions de quintaux obtenus en 2009 et les 45 millions de quintaux récoltés la saison dernière (2009-2010). Les responsables du secteur agricole ont expliqué la baisse de la production céréalière observée cette année par les conditions climatiques difficiles, marquées par une sécheresse qui a sévi au printemps dernier sur les régions céréalières. La céréaliculture en Algérie demeure ainsi vulnérable et très sensible aux aléas climatiques, malgré les efforts consentis à travers la politique du Renouveau agricole et rural, mise en œuvre depuis 2008, à la faveur de laquelle plusieurs mesures ont été prises. Cette fragilité est due principalement au retard énorme enregistré en termes d'irrigation. En effet, sur une SAU (surface agricole utile) de près de 8,5 millions d'hectares, les périmètres irrigués représentent moins d'un million d'hectares, selon le ministère de tutelle. Or, dans un pays semi-aride comme l'Algérie, l'irrigation est une alternative incontournable pour le développement agricole. Cette année, les tensions risquent de s'accentuer davantage par rapport aux saisons précédentes dès lors le déficit touche même les céréales destinées à l'alimentation animale. A cet égard, dans une déclaration précédente, le directeur général de l'OAIC (Office interprofessionnel des céréales) a affirmé : «Nous venons de sortir d'une campagne de pâturage des plus sèches depuis 1962. Donc, il fallait sauver les troupeaux ». Pour ce faire, cette « sécheresse, qui a privé le cheptel de pâturage a, du coup, contraint l'OAIC à tripler ses approvisionnements en orge pour les éleveurs ». En revanche, cette nouvelle baisse de la production au niveau local continuera à avoir un effet inverse sur les importations. Selon le centre de l'informatique et des statistiques des douanes (CNIS), les importations de blé durant le premier semestre 2011 ont été de 39,7 millions de quintaux pour plus de 1,5 milliard de dollars, contre 29,3 millions de quintaux, pour une valeur de 665 millions USD, à la même période de 2010. La politique agricole en question Au-delà des bilans arrêtés par les pouvoirs publics concernant la production nationale et la part des importations dans l'approvisionnement du marché en produits céréaliers, le débat est désormais relancé sur la teneur et l'efficacité de la politique agricole mise en œuvre ces trois dernières années, à la faveur de laquelle d'importantes mesures de soutien aux opérateurs de la filière céréalière ont été engagées. En effet, cette deuxième baisse de la production locale intervient comme un désaveu criant des assurances des pouvoirs publics qui, en 2009, faisaient croire que l'Algérie est sur le point d'assurer son autosuffisance en céréales lorsque la production locale a atteint 62 millions de quintaux.Mais le discours officiel est loin de refléter la réalité et la question qui demeure posée est de savoir si les chiffres avancés par les pouvoirs publics sont réellement pertinents. Sinon, comment expliquer le rang du deuxième importateur de blé à l'échelle africaine et 6e au niveau mondial, que l'Algérie occupe toujours depuis des années alors que la production locale, même si elle a rechuté ces deux dernières saisons, a connu une croissance significative : comparée à la moyenne annuelle n'atteignant jamais le seuil des 30 millions de quintaux, durant la période antérieure à 2008, la production locale a plus que doublé en 2009. En conséquence, professionnels de la filière et experts sont unanimes que la croissance continue des importations est due aussi à la médiocrité du blé local sur le plan qualitatif. La production locale couvre 60% des besoins La qualité des blés produits localement a été déjà remise en cause par les transformateurs. Cependant, il est très difficile de connaître le volume réel de la production locale dès lors il n'existe aucun organisme spécialisé en statistiques qui mène des enquêtes sur le terrain pour être en mesure de vérifier l'authenticité des données. De nombreux experts et chercheurs universitaires ont déjà posé la problématique des statistiques en Algérie, estimant que celles qui existent ne sont que des chiffres recueillis au niveau de l'administration.Avec une population de 36 millions d'habitants et une consommation moyenne de 220 kg/hab, les besoins en céréales de l'Algérie sont estimés à 80 millions de quintaux par année, selon une étude du CREAD (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement). La céréaliculture occupe annuellement une moyenne de 3 millions d'hectares avec un rendement entre 15 et 20 quintaux/ha. Selon les dernières statistiques du secteur agricole, en dehors des saisons de sécheresse, la production locale couvre 60% des besoins exprimés.Parmi les mesures arrêtées en 2008 pour la relance de la production locale, il y a eu la révision à la hausse des prix proposés par l'OAIC aux producteurs pour l'achat de leurs récoltes qui sont respectivement de 4 500 DA/quintal de blé dur, 3 500 DA/q pour le blé tendre et 2 500 DA/q pour l'orge. Auparavant, ces prix ne dépassaient pas le seuil des 2 0000 DA/q. Les subventions à l'amont ont été aussi renforcées avec, entre autres, l'exonération fiscale sur l'acquisition des équipements, des engrais et autres produits phytosanitaires.