La sanction promise par le ministre de la Santé à 200 distributeurs n'est, aux yeux des professionnels du secteur, qu'un effet d'annonce qui n'aura aucun impact sur le terrain. Pas moins de 200 distributeurs de médicaments sur les 600 agréés verront leurs agréments retirés prochainement, a déclaré Djamel Ould Abbès, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, en marge de sa rencontre avec le premier groupe de la mission médicale chargée de la couverture sanitaire des futurs hadjis algériens, sans préciser pour autant qui sont ces distributeurs et que représentent-ils sur le marché national. Lesquels sont, selon lui, responsables des ruptures de stocks de médicaments en Algérie. Est-ce que le manque flagrant et grave de produits pharmaceutiques hospitaliers relève aussi des grossistes ? Le cas de l'adrénaline et du sérum glucosé à 5% est édifiant. Le ministre de la Santé a réaffirmé qu'il n'y a pas de pénurie de médicaments en Algérie, mais «une rupture de distribution». De l'avis d'un opérateur interrogé sur les déclarations du ministre de la Santé, il ne s'agit que d'«un effet d'annonce qui n'aura aucun impact sur le terrain». Ce même opérateur, qui a requis l'anonymat, estime que la décision ministérielle concernera, sans doute, des sociétés non opérationnelles depuis déjà des années, qui auraient dû être radiées depuis longtemps si l'administration avait fait son travail. Le marché de la distribution est assuré, explique-t-il, par une quarantaine de grossistes à hauteur de 85%. Pour le président du Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo), M. Belambri, si cette décision de retrait d'agrément est mise en application, il s'agira peut-être des sociétés qui ne sont pas en activité et dont les registres du commerce ont été déjà annulés. Mais il ne manque pas d'exprimer ses inquiétudes face à la situation actuelle du marché du médicament : «Nous souhaitons que les grossistes, qu'ils soient petits ou grands, qui travaillent dans le respect de l'éthique et de la déontologie, ne soient pas touchés, en l'occurrence les petits distributeurs qui approvisionnent certaines wilayas du pays dépourvuss de grossistes.» Assainissement M. Belambri souligne que son syndicat milite pour l'assainissement et la réorganisation du secteur : «Il faut engager une réflexion à ce sujet afin de réduire le nombre de grossistes et penser un numerus clausus.» Pour le président de la société algérienne de pharmacie, M. Benhamdine, il est temps d'élaborer un cahier des charges et de le mettre en phase avec comme objectif exclusif la santé et l'intérêt du malade. Il signale que les moyens de régulation de cette activité sont connus et adoptés avec succès dans de nombreux pays. «La distribution dans notre pays est un secteur qui nécessite une réorganisation. Le distributeur, comme cela se fait ailleurs, devrait détenir 70 à 90% des produits disponibles et 100% des médicaments essentiels (liste de l'OMS 2011) ; il devrait respecter des délais de livraison inférieurs à 72 heures», a-t-il précisé. Il signale, pour l'exemple, qu'en France, 4 grossistes détiennent 95% du marché pour une population double et un budget dix fois supérieur. Cela ne veut pas dire qu'il faut absolument suivre cet exemple et créer du chômage ; les regroupements, les associations d'intérêt commun sont des pistes qui méritent d'être exploitées par cette profession. Rappelons qu'une réunion a été organisée dans ce cadre entre le ministère et l'Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (ADPHA) où ces professionnels ont saisi l'occasion pour exposer tous les problèmes rencontrés sur le marché du médicament, livré ces dernières années à une anarchie totale. L'ADPHA avait proposé l'élaboration d'un cahier des charges qui impose aux professionnels le respect des normes internationales en matière de distribution, de qualité, de disponibilité, de stockage et de sécurité des produits pharmaceutiques.